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et les préoccupations des élèves, qui désirent avant tout acquérir des connaissances immédiatement monnayables, conclut M. Gautier, ne se prêteraient pas à une tentative de culture générale. Il s’agit, pour nous, de donner une vigoureuse impulsion à l’enseignement de notre langue ; pour eux, de se rendre dignes des hauts traitemens réservés de plus en plus aux Malgaches parlant français. » Ayant vécu longtemps au milieu de populations en partie malgaches, nous concluons à notre tour, d’une longue observation particulièrement orientée vers ce problème, que c’est par une langue qu’on civilise les gens, et qu’on les civilise lentement, et qu’ils se civilisent par une sélection spontanée : possédant par cette langue le moyen de relation, les indigènes s’en servent de leur initiative, conformément à leurs instincts, pour s’élever suivant leurs désirs ou leurs besoins.

Plus encore que le régime administratif, le système actuel d’enseignement ne peut aboutir qu’à créer l’unité de Madagascar par la langue hova et à préparer ainsi la domination hova, car, en raison de la densité et de l’intelligence de sa population, c’est de l’Imerina que le service de l’Instruction s’est occupé tout d’abord, c’est là qu’il a son centre, ses principaux établissemens, avec le siège de l’Académie malgache, c’est le dialecte hova qu’il est obligé, tout en en reconnaissant les dangers, d’imposer dans l’île entière, c’est aux légendes nationales et nationalistes des Hovas qu’il emprunte les textes des versions.

Sans craindre de se laisser fasciner par de grands mots, il fallait encore attirer ici l’attention sur la façon dont on travaille inconsciemment à une hégémonie hova dans la future fédération malgache qu’on se propose de susciter sous notre direction, car le service de l’enseignement est très important. Il ne l’est point seulement par l’émulation des Malgaches à s’instruire et parce qu’il imprègne de son esprit des instituteurs indigènes qui ont une bien plus grande influence sur la population que les administrateurs indigènes, mais parce qu’il préside encore à la formation des administrateurs et des interprètes judiciaires : il dirige même l’Ecole Administrative, siégeant à Tananarive, dont les étudians sont Hovas. Et c’est encore lui qui prépare les élèves de l’Ecole de Médecine.