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assouplisse les mains à un travail quelconque. Au moins faut-il l’orienter, sinon vers un métier, vers une branche d’activité où il puisse employer au mieux la dextérité acquise à l’école. Et, sans oublier d’ailleurs les innombrables difficultés de sa tâche, l’on peut reprocher au gouvernement de les avoir plutôt dirigés vers l’industrie que vers l’agriculture. On a pensé que l’évolution des indigènes dans leur ensemble se ferait avec plus de rapidité et que l’on n’aurait jamais assez de petits patrons pour munir toute la brousse malgache de pots, de marmites, de rôtissoires et d’écumoires, de chaises, fauteuils, tables et lits ; mais, une fois élevés à l’Ecole professionnelle de Tananarive, les jeunes Hovas ne veulent plus rentrer dans la campagne, et le marché de la capitale est encombré d’horlogers qui réparent les montres pour cinquante centimes et de menuisiers qui confectionnent à des prix vils. Grâce à la concurrence, le vol devient bientôt leur seul gagne-pain, d’autant que leurs besoins ont augmenté et qu’ils ont pris l’habitude du faux-col de haute envergure. Tant que les sociétés privées réclameront des artisans d’un revient inférieur à celui des ouvriers qu’elles ont d’abord dû appeler de France, les élèves qui sortent de certaines sections trouveront à s’employer. Mais il leur manque le petit capital nécessaire pour acheter les outils. Le gouvernement a dû s’ingénier et il a créé en 1904 une Association professionnelle malgache, qui ne parviendra pas d’ici longtemps à s’organiser en une corporation maintenant le travail à un prix rémunérateur, mais qui soutient pendant quelque temps ses membres miséreux, leur procure si possible leur outillage, les invite à fournir du travail d’avance pour le vendre au marché, en tout cas, développe l’esprit de solidarité. L’Ecole professionnelle de Tananarive ayant passé au service de l’Enseignement, cette association se fondra avec celles des écoles régionales.

Les artisans continueront ainsi à faire partie de la grande famille scolaire à laquelle l’instinct familial de l’indigène donne de la consistance, et qui est la seule qui soit véritablement constituée à Madagascar, grâce à l’esprit cordial et digne des instituteurs, à leur sens de la mutualité et au goût qu’ils ont de suivre leurs élèves dans la vie. Bien plus que les administrateurs ou même les médecins, ce sont les instituteurs auxquels les jeunes Malgaches s’attachent le plus, jusqu’à revenir de points fort distans pour dire adieu à celui qui rentre en congé ; ce sont les