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aux demandes ; non seulement les colons et les prospecteurs, mais les indigènes viennent acheter avec fierté, même commander les objets de ménage européens dont ils ne se servaient jamais auparavant et qui, accomplis par des Malgaches, vont porter dans les cases l’invite de notre civilisation. Une table à toilette à tiroirs et à étagère en bois découpé est vendue 6 francs ; une lanterne est livrée pour 95 centimes. L’acheteur l’emporte en la faisant miroiter joyeusement au soleil. Sur toute la côte Est, la civilisation du fer-blanc est appelée à remplacer la civilisation du bambou.

En dehors des sections professionnelles des Ecoles régionales, il existe à Tananarive une Ecole Professionnelle Supérieure dont l’examen est fort suggestif, car on y surprend à quoi peuvent aboutir dans nos colonies neuves un système d’instruction automatique et d’organisation expéditive et l’esprit systématique lui-même des fonctionnaires qui ne savent se borner à enseigner d’abord aux indigènes ce qu’ils ignorent complètement et veulent leur apprendre à perfectionner à l’européenne les choses qu’ils savent de routine. Jusqu’en mai 1906 où elle a été placée sous la direction de l’Instruction publique, elle se rattachait exceptionnellement à celle des Travaux publics (corps du Génie) qui avait mis tout son amour-propre à obtenir du général d’en être chargée, n’étant point fâchée d’avoir cette occasion de rivaliser avec l’Instruction publique et de lui prouver sa supériorité ; et elle avait acquis, entre autres privilèges, celui de placer ses élèves comme contremaîtres dans le service de l’enseignement, qui ne barguignait point à les lui déclarer médiocres et inférieurs à ses apprentis, — d’où des menus conflits à seule fin d’égayer l’ennui de la société administrative. Les Travaux publics, pour acquérir cette direction, avaient dû l’enlever aux Bâtimens civils, estimant qu’ils n’y avaient nul droit et se faisant fort de pouvoir la mener seule rondement, puisqu’ils avaient la science technique et l’expérience des grandes entreprises de la colonie. Des instructions nombreuses furent rédigées, un règlement sévère proclamé. Le colonel du génie, homme très intelligent mais absorbé dans les soucis de la construction du chemin de fer, se reposait entièrement sur la compétence de son service au point de donner toute sa confiance à un de ses sous-officiers qui venait lui faire chaque matin son rapport, la main à la visière du casque. Le personnel, diligent et affairé, mais n’ayant point reçu l’instruction