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moral et « éducateur de la réflexion, » de la précellente « pédagogie protestante, » ont-ils été édifiés par les pasteurs ? Nous ne remonterons pas aux témoignages anciens, si convaincans que soient ceux du pasteur Sibree lui-même. Nous ne recourrons pas davantage aux témoignages parisiens, que ce soit ceux de M. Raoul Allier ou de M. William Vogt, qui a fait l’amère satire des missions protestantes dans son Calvinopolis (Stock, 1906). Mais il faut bien accorder quelques minutes d’attention aux Confessions de certain catéchumène hova lorsque, passant en revue ses souvenirs religieux, il examine le cas de W. Clayton Pikegill qui, arrivé comme méthodiste à Tananarive, fut nommé vice-consul de S. M. Britannique et « que, depuis, on n’a jamais revu dans aucune église. » Il soupçonne fort les diaconesses évangélistes de ne venir à Madagascar que pour y trouver des maris et des situations. « Tous, tant qu’ils sont, ils ont bien d’autres idées en tête que la parole de Dieu : » ils ont soutenu la New Oriental Bank : « ce sont des marchands d’âmes. »

S’ils n’ont pas été édifiés, au moins les Malgaches ont-ils été instruits. Recourons aux cahiers d’élèves remis par les instituteurs protestans eux-mêmes, bien plus par les pasteurs français qui ont remplacé les Anglais dans certaines écoles. Ils se sont attachés avec la bonne volonté la plus méritoire à suivre les programmes de l’Etat, et nous constatons qu’ils ne permettent aux petits Malgaches d’omettre aucune des victoires de Napoléon : celles de Marengo et de Montebello sont données avec leurs dates ; et les renseignemens sur le Directoire et la Convention sont précis : le malheur est déjà que toutes les leçons se trouvent coupées de telle sorte qu’en une fois l’élève apprend la deuxième partie d’une première campagne et le premier tiers de la seconde campagne. On discutera tout à l’heure ces fantastiques programmes de l’Etat ; en jugeant exclusivement ici du zèle que mettent à les suivre, non sans malignité, les missionnaires protestans, apercevons qu’il leur arrive non seulement de donner des leçons singulièrement partiales sur la Réforme, où ce n’est point Calvin qui joue le rôle le plus homicide, mais de faire porter des devoirs d’histoire exclusivement sur la série des pertes de colonies que l’Angleterre fit subir à la France. Nous relûmes plusieurs fois le texte d’un pareil sujet, tant il était stupéfiant qu’on eût pu en avoir l’idée dans une école de Madagascar, fût-elle protestante.


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