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MADAGASCAR

V.[1]
L’ÉDUCATION DES INDIGÈNES

Au matin, alors que sur le Plateau le soleil des premiers mois d’été fait reculer vers les hauteurs la brume ambrée qui se renfle en se soulevant, les enfans, le plus généralement vêtus à l’européenne, mais les épaules serrées dans le lamba blanc ou turquoise, se pressent pour la rentrée des classes. La tiédeur de l’air invite à la flânerie ; et les boutiques neuves qui s’ouvrent en grinçant, le filanzane d’un officier à cinq galons qui vole au-dessus des draperies flottantes des bourjanes à la course, un tontakely qui passe les mains liées, des femmes vahazas qui se dépêchent vers le Zoma en entraînant leurs fillettes rosées sous le casque, une machine dont on dispose les pièces sur le trottoir sous les cris du patron, tout ce que les Européens ont agencé de nouveau dans la vie attire la curiosité ; mais, par les routes où se tassent les petits métiers et où tant de Malgaches adultes paressent, accroupis sur les terre-pleins sans bouger, ils vont diligemment aux bâtisses scolaires, sans gambader, portant avec vantardise livres et taratassy[2] : les plus espiègles taquinent les plus somnolens avec des mots français, traduisant les sobriquets dont ils ont coutume de s’attifer suivant les ressemblances animales : « le fils de la souris,… le père de la taupe… » aux rires de tous.

  1. Voyez la Revue du 1er janvier, du 15 mars, du 1er avril et du 15 juin.
  2. Papiers écrits ou imprimés ; mot très employé auquel s’attache du prestige.