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L’Aiguille a, l’une des premières, signalé cette grave lacune, et, pour la combler, institué des concours avec des récompenses pécuniaires et rétabli les livrets d’apprentissage. Les dames du syndicat cherchent des apprenties au sortir des écoles, les amènent à l’Aiguille qui les place, les suit dans leur apprentissage et s’intéresse aux concours annuels qui donnent de l’émulation aux patronnes et aux apprenties. Et, finalement, des règles ont été imposées : la première année de l’apprentissage, les patronnes ne peuvent employer les apprenties aux courses que pendant un certain nombre d’heures ; la deuxième année, les patronnes ont, pour les courses, droit seulement à la moitié du temps des apprenties ; la troisième année, les apprenties ne sont pas dérangées de leur travail et commencent à gagner de l’argent[1]. — Les ouvrières ont le plus souvent une instruction incomplète, l’Aiguille met à leur portée, chaque soir, au siège social, des cours professionnels d’anglais, de dessin, de comptabilité. — Les maladies sont fréquentes. L’Aiguille a décidé qu’on ne pourrait appartenir au syndicat qu’à la condition d’être déjà membre d’une société de secours mutuels. — Enfin, comme les ouvrières peuvent avoir de petits différends avec leurs patrons ou d’autres personnes, de jeunes étudians en droit se sont adjoints à l’Aiguille pour examiner les dossiers, plaider et gagner les causes.


L’Aiguille, qui comprend à la fois des patronnes, des employées et des ouvrières, est un syndicat mixte, tenant du patronage et de l’association professionnelle. Les syndicats que Mlle Rochebillard a créés sont des syndicats uniquement ouvriers.

C’est une figure attachante que Mlle Rochebillard[2]. Tout enfant, habitant une ville où l’on tissait à la main la cotonne, elle accompagnait son père dans les ateliers humides où étaient les métiers, et apprenait de lui, en même temps que le respect de l’ouvrier, les misères qui l’accablent. De seize à trente-huit ans, elle fut ouvrière et travailla pour vivre. Deux faits la frappèrent : d’une part, l’isolement de la femme qui travaille ; de l’autre, le nombre de plus en plus grand des femmes qui

  1. Le fil et l’aiguille, Tract de l’Action populaire, passim, Stanislas du Lac.
  2. Syndicats d’ouvrières lyonnaises, par Mlle Rochebillard. — Françaises, Mes idées, par Mlle Rochebillard, passim.