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éloignés, nous n’avons guère, pour apprécier leur véritable forme, que le secours des ombres : aussi les jugemens sont-ils très incertains ; par exemple, en l’absence d’ombres bien marquées, il est impossible de reconnaître de loin si une tour est ronde ou carrée. Quelquefois cependant, les effets de perspective peuvent aider le jugement ; encore faut-il que la distance ne soit pas trop grande ou que le corps soit de grandes dimensions, un édifice, par exemple, orienté de manière à montrer différentes lignes dont on puisse observer les angles. Le relief des corps éloignés est donc, d’ordinaire, si imprécis, si atténué, que, pour les projections animées, vues de loin, la question ne se pose pour ainsi dire pas. Il n’en est plus de même si on les regarde de près, comme dans une salle de spectacle. En effet, pour les objets rapprochés, le sentiment du relief vient, en partie : 1° de l’appréciation de la distance des divers points de l’objet à l’œil ; 2° de ce que les différentes lignes qui, sur la rétine, forment une image plane de l’objet, sont déformées suivant certaines lois, et que nous nous accoutumons peu à peu à remonter à la forme du corps qui a produit l’image ainsi modifiée. Ces deux causes ne peuvent entrer en ligne de compte à propos des projections cinématographiques, qui sont des figures essentiellement planes. Mais on ne saurait en dire autant de la distribution des ombres et des pénombres sur le corps éclairé, distribution dont les peintres et les photographes savent tirer un si grand parti ; ici encore, c’est à une longue éducation de l’œil que nous devons de saisir à peu près convenablement la forme intégrale d’un objet, et c’est par suite de cette éducation que certaines projections cinématographiques, surtout pour les parties où le contraste entre la lumière et l’ombre est très accentué, nous donnent, parfois, une si forte sensation de relief. Toutefois, pour les objets rapprochés, c’est principalement la vision binoculaire qui fait saisir leur forme de la façon la plus précise et la plus intense et, par conséquent, c’est le relief stéréoscopique qu’il faut, avant tout, chercher à obtenir aujourd’hui pour les projections animées.

Physiologiquement, le relief stéréoscopique résulte, on le sait, de la synthèse intime qui s’opère, dans le cerveau, des images légèrement différentes que procurent chacun des deux yeux : par la combinaison des deux images rétiniennes, il se produit, en nous, une troisième image, purement subjective, qui