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A un certain degré, la rétine, on le sait, jouit des propriétés de la plaque photographique, mais en diffère en ce que les images formées, au lieu d’être permanentes, comme celles des appareils photographiques, ne persistent, pour un éclairement moyen, que pendant un temps très court, 2/45 de seconde environ. De là résulte que, si un objet se trouve devant notre œil, et qu’un écran opaque ne vienne le masquer que pendant un temps suffisamment court, 1/45 de seconde, par exemple, nous perdons la notion fondamentale de la discontinuité et nous ne nous apercevons pas de l’éclipsé passagère. Présentons alors à l’œil, à des intervalles de temps de 1/15 de seconde, 15 images, prises à des époques absolument quelconques, correspondant à 15 positions successives d’un même objet, et arrangeons-nous de façon que l’intervalle de temps nécessaire pour masquer une image et y substituer l’image suivante soit réduit à 1/45 de seconde, c’est-à-dire au tiers de 1/15 de seconde. Partons de l’image n° 1 : montrons-la pendant 2/45 de seconde, puis masquons-la pendant 1/45 de seconde. Dans ce dernier intervalle de temps, nous continuerons à l’apercevoir ; nous l’apercevrons encore, légèrement affaiblie, il est vrai, pendant le 1/45 de seconde suivant, quoique l’image n° 2 l’ait déjà remplacée et commence à se superposer à elle. Mais si les images sont bien prises, autrement dit, si les parties immobiles de l’objet sont en parfaite coïncidence, l’œil, ne manquant pas alors des points de repère dont il a été question plus haut, percevra la sensation de l’attitude n° 2 de l’objet succédant à l’attitude n° 1 ; l’attitude n° 3 succédera de même à l’attitude n° 2, et ainsi de suite. En fin de compte, nous aurons, grâce à la persistance des impressions lumineuses sur notre rétine, la sensation d’un mouvement continu, sans intermittences ni saccades.

Ceci établi, si les images sont présentées dans l’ordre même des attitudes successives de l’objet et à des intervalles de temps égaux à ceux qui ont séparé les instans où ces attitudes ont été saisies ; si, par exemple, ce sont des photographies prises régulièrement à raison de quinze à la seconde, et que ces quinze photographies se déroulent devant nous comme il vient d’être dit, régulièrement et dans une seconde, le mouvement apparaîtra avec des caractères naturels : nous aurons fait ce qu’on appelle de la cinématographie, qui, soit dit en passant, serait plus rationnellement appelée cinématoscopie, et, synthèse du