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chronophotographie a surtout pour rôle de leur fournir des attitudes artistiques nouvelles, appartenant à ce genre de phases, mais inaperçues jusqu’alors par suite de la rapidité ou de la complexité des mouvemens dont elles procèdent. Il va de soi que son intervention est plus que légitime lorsqu’il s’agit de rectifier ou de signaler quelqu’une de ces erreurs grossières, comme on en trouve dans les œuvres de certains maîtres, dont la présence ne peut s’expliquer que parce que l’artiste a vu faux ou a négligé d’observer la nature assez à fond. Dans ces conditions, et dans ces conditions seulement, la chronophotographie a droit à une place dans l’art : on sait les beaux résultats qu’a donnés son application ainsi comprise. D’ailleurs, au temps où cette question passionnait le public, il n’est jamais sérieusement venu à l’idée d’aucun artiste digne de ce nom de rejeter de parti pris le concours de cette méthode de rigoureuse analyse ; quoi qu’en ait dit M. Marey à cette époque, aucun d’eux n’a jamais prétendu qu’elle ne fût pas susceptible de fournir à l’art de nouveaux modes d’expression ; aucun d’eux n’a jamais rêvé d’ajouter une sorte de canon des attitudes à celui des proportions du corps. Et puis, enfin, comme le fait entendre M. Robert de la Sizeranne (voir le numéro de la Revue déjà cité), la chronophotographie n’aurait fait que nous débarrasser de l’allure classique de « fièvre à la broche » que donnaient à leurs chevaux, lancés au galop, Carle Vernet et ses contemporains, que tous les gens de goût devraient lui en être reconnaissans.


II

La chronophotographie, lorsqu’elle traduit les attitudes successives d’un ou de plusieurs objets en mouvement, nous les montre presque toujours, on sait maintenant pourquoi, autres que nos yeux nous les font voir. Il est donc nécessaire, après cette opération d’analyse où les images ont, pour ainsi dire, été saisies au vol, de les présenter à notre œil de façon à lui rendre l’impression du mouvement dans les conditions où il est habitué à la percevoir : en d’autres termes, ici comme ailleurs, la synthèse des phénomènes étudiés, cette contre-épreuve qui s’emploie dans toutes les sciences expérimentales pour vérifier les résultats de l’analyse, s’impose d’une façon absolue. Les principes en sont, du reste, assez faciles à comprendre.