Page:Revue des Deux Mondes - 1907 - tome 40.djvu/606

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

moment où, tenu par les quatre pattes, le corps en bas, il est lâché dans l’espace, jusqu’à l’instant où, satisfait de lui-même et la queue en l’air, il a repris une position normale, on voit les phénomènes suivans : sans prendre, et pour cause, aucun point d’appui, le chat, d’abord courbé de façon que son dos soit fortement convexe et dirigé en bas, redresse sa colonne vertébrale et la courbe en sens inverse ; ensuite, les membres postérieurs fortement allongés et les membres antérieurs raccourcis et serrés près du cou, il se tord de façon à faire tourner de 180° la partie antérieure de son corps ; allongeant alors les membres antérieurs et raccourcissant les postérieurs, il fait subir la même rotation à son arrière-train. En somme, il tombe en pirouettant et, une fois retourné, demeure dans cet état jusqu’à la fin de la chute, les pattes raidies et tendues en avant, pour amortir le choc.

Les mouvemens des êtres microscopiques, la croissance des cristaux arborisés dans des solutions saturées, etc., tous ces faits insaisissables à l’œil, deviennent d’une étude facile grâce à la chronophotographie. Elle ne se prête pas avec moins d’aisance à l’étude des questions de mécanique pure : chute libre des corps, trajectoire des projectiles, oscillations d’un pendule articulé (comme celui que forment la cuisse et la jambe dans la marche et la course), roulis d’un navire, vibrations d’un pont métallique, etc. Mais c’est peut-être dans le domaine de l’art qu’elle a exercé l’influence la plus heureuse, quoique, le plus souvent, les mouvemens, tels qu’elle nous les montre, nous apparaissent tout autrement que nous les voyons dans la nature. La question touche de trop près à notre sujet pour ne pas nous arrêter, ne fût-ce qu’un instant.

Et d’abord, cherchons les raisons de cette différence, que tout le monde a pu constater, entre le mouvement vu et le mouvement photographié. A cet effet, considérons, par exemple, une mer houleuse, et prenons de cette mer un instantané dans un temps excessivement court : les ondulations des vagues présenteront alors des contours tellement arrêtés que notre photographie nous montrera une mer figée, une mer en zinc, rien qui rappelle le remuement de l’eau. Considérons encore de grands arbres fouettés par la rafale : notre œil, lui, perçoit distinctement tous les détails de leurs troncs, mais il saisit moins nettement les grosses ramures ; quant aux feuilles ou aux brindilles,