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qu’on peut toujours, par une interpolation légitime, se faire une idée précise des phases intermédiaires. Comment douter de sa puissance, lorsque, par suite de la réduction de la durée de pose à 1/25 000e de seconde, elle nous montre, dans une série de photographies, les ailes d’un insecte, dont les battemens sont, pourtant, de plusieurs milliers à la seconde, aussi nettement figurées que si elles étaient immobiles ? Parmi les actes les plus rapides, il doit y en avoir bien peu, on l’avouera, qui puissent se soustraire à un pareil moyen d’investigation.

La place dont nous disposons ici ne nous permet pas de nous étendre sur toutes les recherches qu’a provoquées l’invention de la chronophotographie et surtout du chronophotographe. Rappelons cependant les principales.

La locomotion sous toutes ses formes, ce champ d’études presque encore inexploré, quoi qu’eût fait Muybridge, devait attirer et a attiré tout d’abord l’attention de Marey et des savans de son école. En particulier, l’étude du vol des oiseaux et des insectes a donné des résultats souvent aussi merveilleux qu’inattendus, résultats qui ont sérieusement contribué à la solution du problème de l’aviation. La chronophotographie a même apporté une contribution importante à la direction des ballons, en mettant fin à la fameuse querelle des gros-boutiens et des petits-boutiens : c’est par l’analyse des mouvemens des poissons dans l’eau et des corps pisciformes dans l’air, qu’elle a montré que, dans un dirigeable, le gros-bout doit être à l’avant. Elle a permis de saisir le secret de l’habileté inconsciemment acquise par les athlètes dans les genres de sport les plus divers : saut, course, lancement d’un poids, etc. S’immisçant jusque dans les arts manuels, elle a montré en quoi, par exemple, le coup de marteau d’un forgeron habile diffère de celui d’un apprenti. Elle a même été appliquée à l’étude des actes de la parole ainsi qu’aux différentes formes de la cavité buccale qui correspondent à une bonne prononciation : le bourgeois-gentilhomme eût été enchanté de savoir au juste comment il se fait que les Méridionaux prononcent ein pour an et d’apprendre qu’il en est ainsi parce qu’au lieu de prononcer an la bouche ouverte, ils la ramènent en sourire. Et l’on conçoit très bien, à présent, que lorsque M. Marcel Deprez le pria d’aborder le problème du chat, ce fut un jeu pour M. Marey de le résoudre :

En photographiant 18 positions de l’animal depuis le