Page:Revue des Deux Mondes - 1907 - tome 40.djvu/600

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

on interpole, c’est-à-dire on se laisse simplement guider par le sentiment de la continuité, ne risque-t-on pas de commettre une faute de ce genre ? A priori, rien ne prouve que, si rapprochées que soient les observations qui ont permis de tracer la courbe d’un phénomène, une perturbation insoupçonnée, survenue entre deux observations consécutives, ne rend pas un peu vaine la figuration ainsi obtenue. Enfin, quatrième raison : en admettant que le phénomène étudié ne comporte pas de trop brusque ressauts, que ce soit, par exemple, la pression atmosphérique ou la température, pour lesquelles des lectures d’heure en heure sont, d’ordinaire, largement suffisantes, le nombre des observateurs nécessaires pour remplir cette tâche n’est-il pas, par lui-même, une gêne insupportable ?

L’invention des appareils enregistreurs, c’est-à-dire d’appareils automatiques infaillibles, infatigables et, par conséquent, tout désignés pour remplacer une armée d’observateurs consciencieux, a fait triompher définitivement la méthode graphique. En livrant une courbe sur laquelle on peut lire et analyser avec facilité toutes les phases du phénomène étudié, ne l’affranchissaient-ils pas, en effet, des défectuosités dont nous venons de signaler les plus graves ? La face des sciences expérimentales en a été renouvelée, la météorologie, entre autres, qui doit à ces instrumens le rapide développement de ces quarante dernières années.

Il est assez intéressant, d’ailleurs, de constater que c’est pour l’étude du vent, météore au moins aussi capricieux que la Bourse, que le premier enregistreur dont l’histoire fasse mention a du imaginé ; assez intéressant de constater que cette invention, étée à un obscur physicien, Ons-en-Bray, remonte à 1734, époque à laquelle Rousseau songeait peut-être, déjà, à renverser notre antique et vénérable graphique musical. En 1784, Changeux publiait la description d’un barométrographe ; puis, dix ans plus tard, toujours pour les besoins de la météorologie, Rutherford imaginait un thermométrographe. De son côté, Watt avait l’idée d’enregistrer, sur un cylindre tournant d’un mouvement uniforme, les changemens de pression de la vapeur aux différens instans de la course du piston. Mais l’étendue des graphiques ainsi obtenus était, nécessairement, très limitée : elle ne pouvait, en effet, embrasser qu’une seule révolution du cylindre, au plus. C’est à l’illustre Th. Young que devait revenir l’honneur de faire disparaître cet inconvénient, en imprimant à l’axe du