Page:Revue des Deux Mondes - 1907 - tome 40.djvu/582

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ressort, non seulement de la correspondance qui fut échangée à cette époque entre Fr. Buisson, lieutenant-châtelain de Saint-Etienne-de-Saint-Geoirs, et M. de Moidieu, procureur général au Parlement de Grenoble ; mais encore des déclarations mêmes de Mandrin, qui furent recueillies dans la suite par les agens de M. de Montpeyroux, résident de France à Genève : « Mandrin a ajouté qu’il aime sa patrie et ne croit pas avoir manqué au Roi en s’en prenant aux fermiers généraux, qui, prétend-il, lui ont fait perdre 40 000 livres, du temps qu’il avait une entreprise de mulets en Italie… »

Les dispositions de son esprit éclatèrent dans les circonstances suivantes.

Le 29 mars 1753, le subdélégué de Romans, Maucune de Beauregard, se rendit à Izeaux, afin d’y organiser le tirage au sort pour la levée de la milice. Un marchand de Saint-Etienne-de-Saint-Geoirs, Claude Brissaud, — qui était précisément en ce moment en procès avec Mandrin, — vint trouver le subdélégué et lui demanda d’exempter son fils Pierre du tirage. Sur le refus qu’il éprouva, il fit évader son fils qui ne se présenta pas à l’appel du subdélégué et fut déclaré réfractaire. Le sort tomba sur Pierre Roux, laboureur à Beaucroissant. La coutume voulait qu’un milicien désigné par le sort s’exemptât du service en livrant aux autorités un « réfractaire. » Assisté de ses deux frères, François et Joseph, et de deux amis, Joseph Tournier et Mathieu Baronnat, Pierre Roux chercha donc à s’emparer de Pierre Brissaud. Celui-ci apprit le danger qui le menaçait et s’adressa à Mandrin, lequel, du moment où il s’agissait d’arracher un concitoyen à une oppression injuste, oublia qu’il était lui-même en procès avec le père, et promit son concours.

Le 30 mars, une rencontre furieuse entre les deux bandes, celle des Roux, d’une part, et celle des Brissaud, de l’autre, eut lieu à 500 mètres de Saint-Etienne-de-Saint-Geoirs, au mas des Serves, près du quartier des Ayes, sur l’ancienne route de la Forteresse, route appelée dans sa première partie la Vie nove (via nova).

Les Serves étaient des étangs périodiques pratiqués dans des fonds de prairies en forme de cuves. On y ramassait par des barrages l’eau qui descendait des collines, en ruisselets. Dans ces