de Guillestre, mais si pauvre et si dépourvu d’argent que, dans toute la communauté, qui est de 2 500 habitans, il n’y a actuellement que 600 livres en pièces de deux liards. Le curé a un double louis d’or que tout le voisinage vient voir le dimanche, par curiosité. Le seigneur a douze gros écus de six francs, qu’il conserve avec autant de soin que les curieux en prennent à Paris pour conserver les douze médailles des empereurs romains. Cependant, les terres sont en friche et les champs ne produisent plus rien parce qu’aucun des habitans n’a les moyens d’avoir, ni les outils, ni les bestiaux nécessaires pour le labourage. »
Le ministre de la Guerre mandait au comte de Marcieu, gouverneur du Dauphiné, le 21 août 1753, que, dans les villes de sa province, on apposait des affiches pour exciter le peuple à la sédition.
C’est le moment où Mandrin fourbissait ses armes.
Saint-Étienne-de-Saint-Geoirs était, au XVIIIe siècle, un bourg du Dauphiné, qui dépendait du bailliage de Saint-Marcellin, dans la généralité de Grenoble. Un ruisselet l’arrose, vif et rapide, un torrent plutôt, affluent du Rhône, le Glier, qu’on nomme au pays « la Rivière vieille. »
Dans le creux de la plaine de Bièvre, que bornent, au levant, les premiers contreforts de la Grande-Chartreuse, et, d’autre part, au Nord et au couchant, des lignes de collines et de coteaux boisés, — où, de place en place, des villages, le Grand-Lemps, la Frette, Saint-Hilaire-de-la-Côte, semblent tombés dans les masses de verdure, — les maisons de Saint-Etienne-de-Saint-Geoirs, très vieilles et très basses, mêlent leurs toitures de chaume et de briques, ramassées ensemble comme pour se garantir du froid de la grande montagne. Le gros du bourg paraît écrasé dans son nid, dominé par les Alpes, — les Alpes mauves aux heures du soir, — où la Grande Surre, appelée populairement la Grand’Vache, se dresse dénudée à côté des montagnes verdoyantes du Graisivaudan et de la Chartreuse. Et il tombe une douceur paisible et grave de ces hauts sommets que domine le Mont-Blanc. Aussi les gens sont lents, réfléchis, et pleins de prudence.
Mais, aux jours de marché, Saint-Etienne est gai, surtout quand, au soleil, les toits de tuile rouge reluisent. Les prairies