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fille d’auberge ; Haudry avait épousé une couturière. Dodun, Gaillard de la Bouëxière, Dangé, Tessier, Durand de Mézy, étaient d’anciens laquais ou des fils de laquais.


Gens dont plus des deux tiers ont porté les couleurs,
Qui, grâce aux saints d’enfer, l’intérêt et l’usure,
Sont à présent de gros seigneurs.


Les plus somptueuses demeures étaient les leurs. Grimod de la Reynière faisait bâtir le palais actuel de l’Elysée, où ses chevaux avaient des mangeoires d’argent. Dupin faisait l’acquisition du fameux hôtel Lambert et, en Touraine, il s’installait royalement au château de Chenonceaux. Boutin et Beaujon possédaient chacun plus d’une centaine d’arpens dans Paris. Villemur était un marquis de Carabas ; mais ce n’étaient pas des champs, c’étaient des palais.

Pour se rendre à Compiègne, Louis XV longeait les remparts. Il admirait ces constructions magnifiques qui sortaient de terre comme en pays enchanté :

— A qui cet hôtel ?

— Sire, à Villemur.

— Et celui-ci ?

— A Villemur.

— Et cet autre ?

— Sire, à M. de Villemur. Le Roi cessa de questionner.

Ces maisons de féerie recevaient du peuple le nom de « folies : « la Folie Baujon, la Folie Boutin, la Folie Saint-James, la Folie La Bouëxière.

La chronique scandaleuse allait redisant l’histoire amoureuse de la ferme. Filles comédiennes et demoiselles du Bel-Air, tout ce qui respirait et palpitait dans le royaume de Cythère était à eux. Ils en expulsaient la grande noblesse :


Fières de vider une caisse
Qu’entretient un fermier général,


dit un poète en s’adressant à ces dames,


N’insultez pas dans votre ivresse
Celles qui n’ont qu’un duc…


Les fermiers généraux transformaient la vie de leurs maîtresses en un conte des Mille et une Nuits. « Elles ont des robes