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vous, de refaire les histoires de la révolution comme on les a faites jusqu’à présent. Bref, on finira par convenir que le père des révolutionnaires et des destructeurs fut Philippe le Bel.

Mais parce que tout cela est aussi clair à mes yeux que le soleil et que vous l’avez rendu encore plus évident, permettez-moi de vous demander ce que vous trouvez à admirer dans les Constituans de 1789 ? Ils n’ont inventé aucune des idées qu’on leur attribue communément, vous le faites toucher du doigt. Ils ont seulement précipité la ruine de ce qui faisait résistance au plein épanchement de ces idées, et assurément vous ne les approuvez pas en elles-mêmes. Elles venaient tranquillement, dans tous les cas, et leur avènement complet était inévitable. Ce que ces messieurs ont fait a été d’ouvrir la porte à la violence et à toutes les atrocités démocratiques. Ont-ils au moins opposé une digue momentanée aux élémens boueux qu’ils déchaînaient ? Nullement. Après avoir siégé deux ans, leur concile a abouti à la plus triste élucubration qui se soit jamais vue, une constitution impraticable, non seulement dans ce temps-là, mais dans tous les temps imaginables, et ils se sont séparés sur la plus insigne bévue qu’un corps politique ait jamais commise, au vu et au su de l’histoire universelle. Pourquoi avez-vous donc de la sympathie pour ces gens-là ? Ils n’ont rien inventé, ils n’ont même rien ordonné, ils n’ont rien prévu, ils ont fait des phrases, et leur action s’est bornée à ouvrir la porte à ce qu’ils ne voulaient pas, je veux bien le croire de quelques-uns d’entre eux. Mais, Comme ils avaient pris des massues pour tuer des mouches, et qu’ils s’étaient empressés de se jeter à la traverse pour faire très mal ce que l’on faisait du moins tranquillement depuis des siècles, je ne vois pas de raison pour m’intéressera eux. Il y a d’ailleurs, je l’avoue, quelque chose d’assez vil dans cette assemblée qui avait applaudi aux premières violences, à cette sotte comédie de la prise de la Bastille, à ces premiers massacres, à ces incendies de châteaux, pensant que tout cela ne l’atteindrait pas, et simplement parce qu’elle n’avait pas prévu que l’on couperait aussi la tête à ses membres. Vous pensez qu’on peut qualifier le mal qu’elle a fait du nom d’erreurs généreuses ? Pourquoi généreuses ? Je hais certainement plus les Montagnards que les Constituans, mais je ne sais s’ils méritent davantage le mépris, et quant aux Girondins, j’en suis sûr.

Voici les premières réflexions que je voulais vous soumettre.