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n’avions aucune raison de cacher ce que nous avions fait avec elle, nous nous sommes empressés de le porter à la connaissance de toutes les puissances qui pouvaient y prendre quelque intérêt.

Un autre incident, bien minime, a fait beaucoup parler et écrire, au point que M. le ministre des Affaires étrangères s’est cru obligé d’y faire une allusion directe dans son discours. Des fêtes nautiques ont eu lieu à Kiel ; elles ont été singulièrement rehaussées par la présence de l’empereur d’Allemagne ; plusieurs Français s’y sont rendus. Pourquoi ne l’auraient-ils pas fait ? Ils n’avaient à coup sûr aucun motif de s’en abstenir, et l’accueil flatteur qu’ils ont trouvé à Kiel aurait justifié leur démarche, si elle avait eu besoin de justification. On ne peut qu’approuver tout ce qui est de nature à mettre plus de courtoisie dans les relations entre Français et Allemands : celles de leurs deux pays ne sauraient manquer de s’en bien trouver. La bonne grâce personnelle de l’empereur Guillaume rend d’ailleurs ces sortes de rencontres agréables à ceux qui sont appelés à en profiter, et qui ne manquent pas d’en garder le souvenir. Mais on a remarqué en Allemagne que M. Etienne était allé à Kiel et que M. Jules Cambon, notre nouvel ambassadeur à Berlin, s’en était abstenu, et Dieu sait à quels commentaires on s’est livré à ce sujet ! M. Etienne, dans cette affaire, a été un peu victime de son importance. Il a été plusieurs fois ministre ; il est vice-président de la Chambre ; il est le premier des coloniaux de France ; il est député de la province d’Oran qui confine au Maroc. Pour ces motifs sans doute, l’Empereur lui a témoigné une attention particulière et a causé avec lui plus longuement qu’avec les autres. Le lendemain, M. Etienne a été reçu à Berlin par le prince de Bülow. On a fait là-dessus toutes sortes d’hypothèses, dont la plus simple a été que M. Etienne avait une mission. M. le ministre des Affaires étrangères a assuré qu’il ne lui en avait donné aucune, ni officielle, ni officieuse, et que son seul intermédiaire avec le gouvernement allemand était un ambassadeur qui avait toute la confiance du gouvernement de la République. Mais pourquoi M. Jules Cambon n’est-il pas allé à Kiel ? C’est probablement parce qu’on ne l’y a pas invité. Et pourquoi l’y aurait-on invité, puisque aucun autre ambassadeur européen ne l’a été davantage ? Nous avons lu avec grand soin le compte-rendu des fêtes de Kiel, sans y trouver aucune mention de la présence d’un ambassadeur européen quelconque, pas même de ceux qui représentent les pays alliés à l’Allemagne. On conviendra que, dans ces conditions, celle de M. Jules Cambon aurait été singulière. Il y a quelques années, nous avons envoyé des