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économisé, ou qui l’ont fait à un moindre degré. L’impôt sur le revenu n’a pas un autre objet : on comprend dès lors les sentimens qu’il provoque. Toutefois, le monstre, de loin, paraissait plus dangereux que de près parce qu’il avait l’air plus vivant. Aussitôt qu’on a commencé à le critiquer dans la presse, le projet de M. Gaillaux a été criblé de traits venus de toutes parts ; et dès que la discussion s’en est ouverte à la Chambre tout le monde a pris la fuite. Étrange comédie ! Le premier orateur, qui a pris la parole, est M. Charles Benoist : il a parlé très éloquemment ; mais il n’y avait à peu près personne pour l’écouter, ce qui a tellement découragé les autres que la grève des orateurs a répondu à celle des auditeurs. Est-ce le projet que personne ne prend au sérieux ? Est-ce seulement la discussion à la veille des vacances ? Il est certain qu’entamer un débat aussi grave et nécessairement aussi long, au moment même de s’en aller, est une mauvaise plaisanterie. M. Jaurès l’a voulu, afin de pouvoir dire au pays qu’on s’était mis à l’œuvre et que les fers chauffaient ; mais tout le monde aujourd’hui lit les journaux, et par conséquent personne n’ignore dans quelles conditions lamentables on s’est mis à l’œuvre. M. Caillaux, lui aussi, tenait à défendre son projet : il l’a fait, et n’a convaincu que ceux qui était déjà de son avis. Moralement, l’impôt sur le revenu a reçu un coup, et il est probable que, si c’était à recommencer, M. Jaurès et M. Caillaux montreraient moins d’impatience. Conclusion : la nouvelle Chambre, après dix-huit mois d’existence, n’a encore rien fait, et il semble douteux qu’elle soit constituée de façon à faire davantage à l’avenir. Elle partira pour ses vacances en laissant derrière elle une situation troublée, un ministère qui n’a pas sa confiance et un certain nombre de travaux mal préparés. Tel est le bilan de sa première session.


Une question de M. Denys Cochin a permis à M. le ministre des Affaires étrangères de donner quelques renseignemens à la Chambre sur la situation extérieure. La question a été posée en termes précis et spirituels ; la réponse de M. Pichon, très simple, très nette, sans exagération dans aucun sens, a produit au dedans et, semble-t-il, au dehors, une impression favorable. Il est impossible, en effet, de n’être pas frappé de l’accent de franchise et de loyauté que M. le ministre des Affaires étrangères a mis dans ses déclarations.

Rien ne les rendait particulièrement nécessaires en ce moment ; mais, à la veille du jour où le Parlement doit se séparer, elles étaient opportunes. Il était bon que le pays connût le caractère actuel de nos