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l’incendie de la sous-préfecture. Les journaux ont publié des notes officieuses d’où il résulte que le gouvernement n’est pour rien dans ces mesures, et qu’il a laissé, depuis le premier moment jusqu’au dernier, le juge d’instruction absolument libre de suivre les règles habituelles de la procédure. Nous voulons bien le croire ; mais le gouvernement ne nous a pas habitués à un respect aussi scrupuleux de l’indépendance de la magistrature, et on pourrait citer de sa part de nombreuses intrusions dans le domaine judiciaire, beaucoup moins excusables à coup sûr et moins opportunes que ne l’aurait été son intervention discrète dans le cas actuel. Quoi qu’il en soit, le Midi n’a pas encore désarmé. Un autre motif d’irritation lui a été donné par la Chambre des mises en accusation qui a jugé prématurée la libération des prisonniers dans l’état actuel des choses, et a rejeté le pourvoi par lequel ils la demandaient : mais, cette fois, nous enregistrons le fait sans y ajouter aucune critique, ni directe, ni indirecte.

Il faut prendre très au sérieux toute cette agitation du Midi. Ce n’est ni du bluff, ni du « battage, » comme l’a dit imprudemment un de nos ministres ; mais c’est un mauvais et redoutable exemple qui risquerait d’être suivi ailleurs, s’il amenait la capitulation des pouvoirs publics. — Nous ne retirerons nos démissions, disent les municipalités ; nous ne paierons les impôts, disent les contribuables, que lorsque le gouvernement et les Chambres auront obéi à toutes nos exigences. — Il s’en faut de beaucoup que poser ainsi la question soit la résoudre. Le gouvernement a tenu bon et, par cela même, il s’est trouvé affermi : il a gagné le rivage des vacances. Au surplus, nous nous consolerions de toute cette agitation du Midi, si elle n’avait pas servi de prétexte aux mutineries militaires qui ont jeté un jour si inquiétant sur l’état moral de notre armée. Là est le vrai péril : le reste est, en comparaison, peu de chose. M. Clemenceau, dans une récente séance de la Chambre, s’est vanté d’avoir mis le pied sur la tête du serpent, expression pittoresque qui ne correspond malheureusement pas à la réalité, ou n’y correspond que dans une faible mesure. Le 17e de ligne a été envoyé à Gafsa, ce qui est bien. Les cinq cents et quelques soldats de ce régiment qui se sont mutinés resteront sous les drapeaux quelques mois de plus que les autres, ce qui est bien aussi. M. Clemenceau sait prendre des mesures de ce genre, et nous l’en louons : mais il aurait tort de croire qu’après avoir fait cela, il ait fait tout le nécessaire, et qu’il ait extirpé de notre armée le mal qui la ronge. La suppression du recrutement régional pour l’armée active n’y suffira même pas. Il y a tout un état d’âme à changer, œuvre longue,