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lui le culte du détail précis et la hardiesse à généraliser. Il observe et il ordonne ses observations en système. Ce goût des idées ne l’empêche pas d’avoir une des visions les plus concrètes qui soient. Ses descriptions sont chargées de traits et de couleurs. Ses principaux ouvrages, Dans l’Inde, — un livre devenu classique, — Sanctuaires et paysages d’Asie, Terres mortes, et le dernier en date, Crépuscule d’Islam[1], contiennent des pages de grande allure et d’un solide éclat. — De M. Maurice Maindron, on ne sait s’il est davantage un savant ou un littérateur. Ses études de naturaliste lui ont donné, au lieu de la vaine superstition de la science qui égare aujourd’hui tant d’ignorans, les méthodes de recherche et les habitudes d’esprit scientifiques. Elles l’ont amené à choisir, entre les différens procédés de l’art littéraire, ceux qu’il a adoptés. Il s’est mis à l’école des écrivains les plus véritablement probes. Sa prose fait songera celle de Gautier. Grand admirateur de Heredia, il a emprunté à l’auteur des Trophées le secret de son exactitude et de sa précision. Il a donné des romans dont l’action s’encadre dans les époques d’autrefois, et il a eu soin de ne pas baptiser ses « récits du temps passé » de ce nom de romans historiques qu’a discrédité l’école de la fantaisie et de l’a peu près. Ne le chicanez ni sur un trait de mœurs, ni sur un détail de costume, ni sur une partie d’armures ! vous y perdriez votre temps. Doué, à un vif degré, du don d’évocation, M. Maurice Maindron est un des hommes qui écrivent aujourd’hui la meilleure langue française, d’un style plein, serré et dru. Aussi bien, nos lecteurs ont présentes à l’esprit ces Lettres sur l’Inde[2] dont, sans doute, il publiera quelque jour la suite. — M. André Bellessort est un écrivain du talent le plus souple, et placé très haut dans l’estime des connaisseurs. Il s’était fait d’abord apprécier par un roman très délicat : Reine Cœur, et par de beaux vers : Mythes et poèmes et La Chanson du Sud. Conteur savoureux, excellent humaniste, il aurait pu être romancier ou historien des lettres ; mais il se sentait irrésistiblement attiré vers les « pays estranges. » Il a parcouru tour à tour l’Amérique du Sud, la Norvège, la Roumanie, le Japon. Il en a vu qui sont du Nord et qui sont du Midi. Dans les relations qu’il nous en a rapportées, il a mis partout la même curiosité intelligente, la même variété d’information, la même verve et le même agrément de récit. Entre ses livres, deux surtout font autorité et sont dans toutes les mains. La Société japonaise et Les Journées et les nuits

  1. André Chevrillon, Dans l’Inde ; — Terres mortes ; — Sanctuaires et paysages d’Asie ; — Crépuscule d’Islam, 4 vol. in-16 ; Hachette.
  2. Maurice Maindron, Dans l’Inde du Sud, 1 vol, in-18 ; Lemerre.