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REVUE LITTÉRAIRE

LA LITTÉRATURE DE VOYAGES

L’été est venu ; peut-être nous apportera-t-il quelques beaux jours : il faut l’espérer, contre pluies, vents et marées. Peu importe au surplus, et, comme chaque année, nous assistons à l’exode universel. On part, et le plus loin possible ; on va de préférence où l’on n’était pas encore allé ; on veut voir du pays ; on n’a qu’une nostalgie, — ou, pour mieux dire, qu’une inquiétude, — celle du nouveau. Il n’en était pas ainsi autrefois. Nos pères étaient gens d’habitude ; à la belle saison, ceux qui avaient des terres s’y installaient, les bourgeois aisés s’en allaient à leur maison des champs, les petites gens restaient à la ville. Il ne semble pas que personne s’en portât plus mal, ni que la vie en fût plus courte ou moins gaie. Mais quoi ! La ville, en été, nous est devenue intolérable, et la campagne prochaine dont beaucoup, il y a quelque trente ans, se contentaient encore, a cessé de plaire ; nous nous y ennuyons : c’est pourquoi nous préférons courir les routes. La tendance est si forte et si universelle, qu’on s’essaierait vainement à la combattre. J’entendais un jour un moraliste chagrin gourmander ses contemporains, en termes empruntés à la sagesse antique et à la méditation chrétienne. « A quoi bon, disait-il, tout ce mouvement que vous vous imposez ? Pourquoi mettre tant de lieues au bout de tant de kilomètres ? Et qu’allez-vous chercher si loin, que vous n’ayez auprès de vous ? Où que ce soit, vous ne trouverez jamais qu’un peu de terre, quelques gouttes d’eau, un coin de ciel : car les Océans et les Himalayas sont un point dans l’immensité. S’il vous plaît d’admirer