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prétendre que l’usine soit un lieu de préparation pour de futurs marins ? Si leur instruction a pu leur permettre d’entrer à l’École des officiers de marine, il n’en est pas moins vrai que rien dans leurs habitudes, leurs occupations, leurs études, le milieu même de leur vie passée, rien n’a pu les initier à la profession de marin, les imprégner, pour ainsi dire, de cet état d’esprit particulier si nécessaire au marin, qu’il en est en quelque sorte une seconde nature. Leur instruction restera purement théorique et, à la sortie de l’école, il sera déjà bien tard pour changer leur tournure d’esprit et s’assimiler celle de leur nouvelle position. On ne s’improvise pas plus marin, qu’on ne s’improvise mécanicien. Mais c’est précisément au moment où il est bien à point pour faire un chef accompli que le mécanicien vire de bord et s’engage dans une voie nouvelle où, quoi qu’on en dise, il a tout à apprendre. Nous voyons clairement ce que perd la marine, à savoir d’excellens mécaniciens ; nous ne voyons pas ce qu’elle gagne et il nous parait difficile d’affirmer que ces officiers de marine auront, sauf exception, dans leur nouvelle carrière, la même valeur d’utilisation que dans la première. »

Pour réagir contre l’assaut véritable que donne le personnel des machines à l’École des élèves-officiers, on a d’abord admis au concours les quartiers-maîtres des autres spécialités, ayant cinq ans de service, dont un an à la mer dans le grade. Cette faveur serait, bien entendu, restée lettre morte sans la création, à bord des navires, de cours préparatoires, où les quartiers-maîtres puiseront une partie de l’instruction générale nécessaire pour franchir le premier échelon de Brest. Sur chacun des bâtimens de l’escadre, un officier professe le cours des officiers-mariniers et des quartiers-maîtres spécialistes, candidats à l’École des élèves-officiers.

Le règlement fait plus encore, et il est logique, en admettant à ce cours de simples matelots brevetés. Ceci, en vue de donner plus de temps à la préparation et, aussi, de recueillir une intelligence vive qui aurait « passé par maille. »

Cette façon d’élargir le cercle des candidatures a soulevé des objections. M. le député Chaumet est un des rares orateurs qui aient osé montré à la Chambre le véritable état des choses et avouer avec franchise qu’il n’est pas sans danger de faciliter, à des sous-officiers insuffisamment instruits, l’accès de nos états-majors : « Il ne faudrait pas aller trop loin dans cette voie où l’on s’est engagé peut-être avec quelque imprudence, » ajoutait-il, et il laissait la Chambre sous cette impression : « Une égalité de grade ou de fonctions suppose" une égale