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le Turc à Constantinople, nos intérêts en seraient gravement atteints, car cette nouvelle grande puissance orientale aurait naturellement le souci très légitime de réserver à ses nationaux les affaires et les offices pour lesquels la nonchalance de l’Osmanli fait volontiers appel aux étrangers. Nous pouvons donc donner notre concours, en Macédoine, à une politique de réformes pratiques, efficaces, allant même jusqu’à une émancipation de fait sous la suzeraineté du Sultan, mais nous ne pouvons pas prêter les mains à une politique qui aboutirait à un partage de l’Empire ottoman. cette ligne de conduite, nous pouvons, dans le Levant, continuer à la suivre, comme nous l’avons déjà fait jusqu’ici, en choisissant un rôle de conciliation et d’apaisement ; la haute situation morale dont les Français jouissent encore en Orient nous y prépare, et les tendances intérieures de notre République nous y engagent. Et qui sait si, un jour, les accords que nous aurions préparés en Orient, les réconciliations que nous y aurions ébauchées, ne pourraient pas étendre leur action bienfaisante jusqu’en Occident ?

L’Orient reste le théâtre classique où les grands intérêts européens s’entre-choquent ou se combinent. Les petites puissances balkaniques et les populations chrétiennes de Turquie sont parfois les victimes de ces conflits ou de ces conjonctions ; mais il ne faut pas oublier que les premières ne seraient sans doute pas indépendantes, et que les secondes n’auraient jamais obtenu aucun droit, si les unes et les autres n’en avaient pas été aussi, finalement, les bénéficiaires. La Macédoine suivra la même évolution après avoir passé par les mêmes péripéties ; son histoire sera un nouveau chapitre de l’affranchissement des nationalités dans l’Empire ottoman ; elle parviendra à une autonomie, plus ou moins complète, mais elle la paiera peut-être encore de beaucoup de souffrances. Il y a un proverbe turc qui dit : « Le diable se mêle toujours aux affaires pressées : » il convient de le rappeler, en guise de conclusion dernière, à la fin de ces pages consacrées à la question de Macédoine.


RENE PINON.