Page:Revue des Deux Mondes - 1907 - tome 40.djvu/388

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Budapest : la tendance actuelle des Hongrois à un rapprochement avec le groupe des Slaves du Sud peut devenir la cause déterminante d’une orientation nouvelle de la politique balkanique des Habsbourg. En tout cas, il serait très inexact de se représenter, comme on le fait parfois, la politique de Vienne comme un reflet de celle de Berlin.

Parmi les puissances qui pourraient bénéficier d’une dislocation, générale ou partielle, de l’Empire ottoman, il faut nommer l’Italie ; et c’est l’une des raisons de sa bonne entente avec l’Angleterre et de ses fréquens démêlés avec son alliée autrichienne. Tout l’effort de sa politique, elle le porte dans la Méditerranée orientale ; elle prend ses mesures pour y succéder, l’occasion se présentant, à la Turquie en Tripolitaine, à la France dans le Protectorat de la catholicité latine. Elle aimerait à s’établir sur les côtes albanaises pour faire de l’Adriatique une mer italienne : c’est une tradition qu’elle a héritée de Venise. En Albanie, elle travaille à nouer des intelligences. La maison de Savoie est unie par des alliances de famille aux dynasties régnantes de Serbie et de Monténégro ; avec la Roumanie elle aime à rappeler la commune origine latine ; enfin, dernièrement, le roi Victor-Emmanuel a reçu, à Athènes, « un joyeux accueil. » Le chemin de fer projeté qui, de San Giovanni di Medua (près d’Antivari), s’enfoncerait vers la Save et le Danube, mettrait Cettigne, Belgrade, et même Bucarest à une distance relativement courte des côtes d’Italie. Il y a eu jadis un empire latin de Constantinople : l’Italie ne rêve pas de le reconstituer, mais elle suit de très près tout ce qui se passe dans l’Orient ottoman ; s’il arrivait qu’un jour la Macédoine affranchie choisît pour la gouverner un prince italien, n’y aurait-il pas des chances pour qu’il devînt du même coup le chef, le président d’une Confédération balkanique ? Cette solution de la question d’Orient est très nettement prônée dans le livre d’ « un Latin » que nous avons déjà cité. L’Italie prépare les voies à l’avenir ; elle multiplie les écoles qu’elle confie toutes à ses congrégations religieuses ; elle choisit, pour l’envoyer à Constantinople, un ambassadeur qui se fait remarquer par l’ostentation de sa ferveur catholique, et elle profite de la rupture entre la France et le Saint-Siège pour esquisser, avec le Vatican, certaines combinaisons avantageuses. En attendant les occasions d’entrer en scène, l’Italie persiste, a déclaré le 15 mai M. Tittoni, dans sa