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générale est à l’étude entre Londres et Pétersbourg : si elle est finalement conclue, il est probable qu’elle aura des conséquences dans les Balkans ; il se pourrait que la Russie fût amenée, non pas à rompre le pacte de 1897, mais à prendre, dans l’association, un rôle d’initiative, d’action et de direction. Si au contraire les circonstances l’obligent à garder en Orient une attitude d’expectative, il se pourrait qu’elle se trouvât entraînée vers une union plus étroite et plus générale avec l’Autriche-Hongrie et, par suite, avec l’Allemagne : elle inclinerait alors à revenir à cette entente avec les puissances de l’Europe centrale qui, chaque fois qu’elle a été réalisée, au XVIIIe et au XIXe siècle, a été, d’abord et surtout, fondée sur un accord des intéressés dans la question d’Orient.

La politique austro-hongroise redoute la formation, dans la péninsule des Balkans, d’un État assez fort pour s’interposer, comme un écran, entre l’Empire des Habsbourg et la mer Egée. C’est à elle qu’a profité la destruction de la Grande-Bulgarie de San-Stefano ; elle ne veut pas la voir renaître : aussi la trouverait-on opposée à toute annexion de la Macédoine à l’une quelconque des puissances balkaniques, et surtout à la Bulgarie. Elle serait même contraire à une autonomie de la Macédoine sous la suzeraineté de la Turquie ; elle craindrait que la nationalité bulgare ne s’y affirmât avec trop de vitalité. Le maintien, entre la Bosnie et Salonique, d’une Turquie faible, lentement réformée sous l’influence prédominante de conseillers austro-hongrois, c’est la solution qui convient le mieux à la politique de l’Autriche. Ce n’est pas qu’il y ait lieu de redouter, de sa part, un projet d’annexion ; nous ne croyons guère, quant à nous, à une descente des baïonnettes austro-hongroises vers Salonique ; c’est par une tactique habile d’influence et d’intervention pacifique que le cabinet de Vienne cherche à implanter son hégémonie dans la péninsule. D’ailleurs, sa politique balkanique est en voie d’évolution : le remplacement du comte Goluchowski par le baron d’Ærenthal paraît bien être le signe d’une modification sinon peut-être dans les desseins, du moins dans les méthodes du Ballplatz. Entre Vienne et Sofia les relations sont excellentes ; entre Vienne et Belgrade la réconciliation s’annonce proche, et la récente visite de M. Pachitch au baron d’Ærenthal en est le signe précurseur. Il semble aussi que, de plus en plus, il faudra distinguer entre la politique de Vienne et celle de