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avons expliqué ici[1] comment les malentendus ont reparu, entretenus et envenimés par des intrigues étrangères ; il nous suffira de rappeler aujourd’hui que la cause profonde du malentendu, entre Serbes et Bulgares, est toujours la question de Macédoine. A Sofia, on ne pardonne pas la violence et les succès des bandes serbes, tandis qu’à Belgrade on s’alarme des prétentions exclusives que l’on prête aux Bulgares sur la Macédoine. De part et d’autre, on se dispute avec acharnement la peau d’un ours bien vivant, bien pourvu de grilles et de crocs. Uskub surtout excite les jalousies : plutôt que de voir Uskub tomber entre les mains de leurs rivaux, Serbes et Bulgares préfèrent cent fois y voir demeurer les Turcs ! Qu’ils prennent garde qu’un beau jour quelque troisième larron ne vienne les mettre d’accord… Mais c’est en vain que tous les amis des Bulgares et des Serbes leur représentent la vanité de leurs querelles et la nécessité d’une entente cordiale fondée sur des sacrifices réciproques dans l’intérêt de ceux qu’ils appellent leurs frères de Macédoine : les ressentimens ont été, jusqu’ici, les plus forts La politique d’autonomie de la Macédoine, sous la souveraineté du Sultan et le contrôle des grandes puissances, serait de nature à amener une réconciliation durable des deux nations : et ce ne serait pas l’un des moindres avantages d’un tel programme.

En tout cas, on peut affirmer que la Confédération balkanique, qu’ont entrevue et proposée certains publicistes[2], n’est pas à la veille de devenir une réalité. Si anciennes sont, dans la péninsule, les haines historiques, si tenaces les rancunes, si vives les jalousies, si intraitables les vanités, que l’on peut affirmer que, d’ici un longtemps du moins, si une pareille confédération générale devait se former, ce serait par la force, autour d’un État victorieux et de la Macédoine affranchie. Moins invraisemblable cependant serait une confédération restreinte où n’entreraient que les États danubiens : Roumanie, Bulgarie, Serbie, Monténégro, et qui resterait purement défensive. L’obstacle à toutes ces combinaisons, l’objet de toutes ces querelles, c’est, toujours et partout, cette Macédoine où les Turcs sont solidement établis et

  1. Voyez notre article du 1er février : Le Conflit austro-serbe, p. 666.
  2. Une Confédération orientale comme solution de la question d’Orient, par un Latin (Paris, Plon, 1905, in-12). — Le pseudonyme « un Latin » radie une personnalité roumaine.