campagne des États balkaniques et une guerre générale en Orient si certaines complications venaient à se produire : si, par exemple, les troubles et les guerres qui menacent, en ce moment, de soustraire toute l’Arabie à l’autorité du Sultan venaient à se généraliser, à s’étendre à la Syrie et à la Mésopotamie. Il pourrait arriver alors que les peuples chrétiens de l’Empire croient le moment favorable pour secouer le joug des Turcs : la solution, attendue depuis des siècles, viendrait, par un détour imprévu, d’Asie[1]. Les chances de guerre deviendraient aussi plus nombreuses si les trois principaux États balkaniques du Nord, Roumanie, Bulgarie, Serbie, parvenaient à conclure une alliance étroite et marchaient ensemble contre les Turcs ; encore faudrait-il qu’ils trouvassent assez d’appuis parmi les grandes puissances pour n’avoir pas à redouter, s’ils étaient victorieux, la mésaventure qui advint aux Russes au Congrès de Berlin, ou, s’ils étaient vaincus, la destruction complète. En dehors de ces hypothèses, dont la réalisation est ou peu vraisemblable ou très éloignée, il n’est pas à prévoir, et encore moins à souhaiter, que la solution des questions macédoniennes et balkaniques puisse, un jour prochain, résulter d’un coup de force.
Que se passera-t-il donc ? L’évolution commencée ira se développant ; les agens civils et les conseillers financiers continueront leurs services dont l’importance ne saurait manquer de grandir : tenant les finances, ils ont en main toute l’administration, ils disposent du plus puissant des instrumens de réforme et de progrès. Il serait à désirer que l’on pût trouver le moyen, sans froisser la Russie ni l’Autriche-Hongrie, d’unifier les fonctions de ces deux catégories d’agens et de faire disparaître toute rivalité et toute inégalité entre eux : l’unité de l’action européenne y gagnerait. On en viendra probablement à reconnaître la nécessité de nouveaux organes de contrôle : comme il y a des conseillers financiers, on parle actuellement de créer des conseillers judiciaires. Ils seraient chargés d’inspecter le service de la justice, d’assurer l’entrée dans les tribunaux d’un nombre de chrétiens proportionnel à la population chrétienne dans chaque circonscription ; ils auraient un certain droit de surveillance et d’intervention dans les procès ayant un caractère politique, de manière à inspirer confiance aux habitans. Cette réforme a été demandée
- ↑ Voyez notre article du 1er juillet 1906, Le Conflit anglo-turc.