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expulser ? D’où luttes nouvelles, querelles violentes. « Le maintien de la séparation même appliquée avec sincérité eût substitué indéfiniment la guerre entre les cultes à la guerre aux cultes. » Ni l’Eglise divisée, ni l’Etat intéressé à la paix n’en eussent tiré profit.

Nous savons d’ailleurs que, plus que toutes choses, le premier Consul redoutait la réaction. Il fallait, dans l’intérêt même de la République, maintenir les conquêtes de la Révolution : matériellement, la propriété telle qu’elle était dorénavant consacrée par les contrats passés sous la garantie des lois ; moralement, les principes de tolérance religieuse ; et provisoirement, la forme du gouvernement. Comment souffrir qu’un clergé fût restauré dans son influence, qui serait hostile, et à la nouvelle forme de propriété et aux principes de 1789, et à la forme républicaine ?

Mais plus les élémens étaient complexes, plus il fallait avec soin s’en informer, enquêter, peser à loisir. Dans son désir d’apaisement, de « libéralisme provisoire, » Bonaparte se contenta tout d’abord de « demi-mesures retentissantes. » Sans entrer dans le détail de ces mesures que l’historien a exposées ici même, rappelons plus particulièrement en vertu de quel opportunisme bienfaisant les actes de réparation se multipliaient là où ils étaient nécessaires. Le Consulat s’était fait « une carte des opinions religieuses en France, » et d’après cette topographie dont seuls souriront de médiocres politiques, « il dosait les franchises accordées. » Là où repoussaient les croyances, on laissait faire, — voire les « superstitions ; » mais si des populations retournaient aux sources miraculeuses, l’autorité, qui autorisait les pèlerinages, tentait de sauver la face en affirmant que la science reconnaissait à ces eaux sacrées une vertu curatrice. Cela ne valait-il pas mieux que de les interdire ?

Mais le laissez faire n’était point dans les principes d’un gouvernement qui, partout, avait à réagir contre l’anarchie où la France avait failli sombrer. « Laisser fléchir les lois de persécution, » c’était fort bien. Faire des lois devant lesquelles on désarmât paraissait le devoir d’un gouvernement. Seuls les médiocres gouvernemens se résignent à laisser fléchir les lois, n’ayant pas le courage ou l’intelligence de les amender le jour où leur malfaisance éclate.

Quand il eut rassuré les intérêts des uns et des autres, Bonaparte prit son parti. Après Marengo, il était devenu le maître. Il regarda la situation en face. Il fallait une loi nouvelle. Mais en