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pallierait aucun des excès qui parfois ternirent sa gloire et affligent ses admirateurs.

Un dernier mérite oblige M. Vandal à être juste. Lorsque nous le louons de s’être amplement documenté, c’est plus particulièrement toute une partie de l’œuvre que nous entendons ici louer. L’historien du Consulat est de ceux qui ne se tiendraient pas pour satisfaits s’ils nous avaient conté seulement les faits et gestes de quelques hommes éminens de guerre ou d’Etat. Certes, les gestes de Bonaparte sont intéressans ; ceux de Talleyrand, ceux de Fouché, ceux de Bernadotte, ceux de Lucien le sont aussi. Mais l’historien est-il aujourd’hui autorisé à s’en tenir à ces grands acteurs ? C’est à la masse du peuple qu’il va maintenant. Lorsque M. Houssaye nous a raconté la chute de Napoléon, il a interrogé, autant et plus que les ministres et les maréchaux, les troupiers, les ouvriers, les paysans. Et lorsque, aujourd’hui, M. Albert Vandal étudie l’avènement de Bonaparte, ce sont encore les humbles qu’il entend faire parler avant tous les autres. S’il se plaît à aller des Tuileries aux faubourgs, il franchit plus volontiers encore les barrières de Paris : car Paris n’est point tout le pays, — il s’en faut ! C’est à ce pays qu’il faut tâter le pouls : ainsi s’écrira avec exactitude ce qui est proprement l’histoire nouvelle, je veux dire celle de l’opinion. A sa façon, l’historien travaille à la décentralisation : il décentralise l’histoire, fait son tour de France, court des rives de la Garonne à celles de la Meuse, de la Bretagne à la Provence, des bords de la Manche, placés « sous la morsure de l’Angleterre, » aux pentes des Cévennes que battent les bandes de Barbets. Un paysan de Neuville-aux-Bois (Loiret) vient nous dire dans un accès d’enthousiasme naïf que Napoléon est « l’homme de Dieu : » et ce témoignage, se fortifiant de bien d’autres de même espèce, éclaire le chroniqueur autant et plus qu’une circulaire pompeuse de Lucien Bonaparte, ministre de l’Intérieur.

Rien ne contribue plus qu’un tel procédé à rendre l’histoire, telle qu’elle est ici traitée, vivante et je dirai vibrante. L’unie des foules a des tressaillemens qui, plus que les passions des politiciens, émeuvent et édifient. Et c’est moins encore en jugeant d’après ses actes le premier Consul réparateur, qu’en entendant les plaintes des petits-avant Brumaire, leurs soupirs d’espoir après, leurs paroles de joie aux premières lueurs de justice, leurs cris d’allégresse lorsque l’œuvre s’avance, leur unanime