tact ni scrupules, ce gouvernement a bien manifestement renoncé à cette tâche essentielle qui, dans tous les temps, incombe aux gouvernans : il n’est plus, il n’a jamais été l’arbitre suprême qui départage et concilie les intérêts et, par la justice, assure l’ordre et la liberté.
Depuis bientôt dix ans, ce devoir primordial n’est plus rempli. Depuis dix ans, des sectaires, les uns conduits par leur passion, les autres par leur intérêt, quelques-uns par la peur, règnent sur le pays au nom d’une médiocre faction. Triomphante cinq ans par l’émeute, cette faction a fait dégénérer en révolution sanglante le généreux mouvement de réformes que 1789 a vu se déchaîner : puis, contre l’opinion du pays légalement exprimée, elle s’est par la force maintenue au pouvoir. Elle a cassé les élections, proscrit les représentans du pays et forgé des assemblées faites à sa dévotion. Depuis le 18 fructidor, les voiles sont déchirés : une minorité insurgée fait peser sur le pays, découragé, aveuli, désespéré, un joug infamant. Comment d’ailleurs ce groupe de factieux exercerait-il le pouvoir autrement que par la tyrannie ? Où aurait-il puisé la force de réconcilier des citoyens, lorsque, tous les jours, il envenime les querelles et provoque les conflits ? Sous un gouvernement sans vertu, sous une tyrannie sans vigueur, la France est perdue.
Alors tout un groupe de citoyens qu’alarme tant d’ignominie, politiciens des Conseils revenus de leurs illusions ou menacés dans leur fortune, savans et lettrés de l’Institut qu’écœure le spectacle de la décomposition nationale, financiers qu’atteint la ruine générale, jacobins désabusés, ou modérés poussés à bout, se tournent vers « le général le plus civil de l’armée, » le général Bonaparte et font appel au soldat. Le soldat apparaît. Au cours des journées dont M. Vandal nous a tracé le récit dramatique, le général écarte d’un geste, qui ne fut qu’un instant brutal, les mauvais bergers, — et se fait porter au pouvoir.
C’est ici que s’ouvre le second acte de ce drame national : l’Avènement de Bonaparte.
Bonaparte est dans la place, mais combien différent de ce dictateur incontesté que nous représentaient hier encore des historiens superficiels. Porté sur le pavois par un groupe d’hommes politiques, le soldat est maître du pouvoir, mais non de la