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donner qu’une boisson médiocre ? Les vins blancs, que l’on paye aux environs de San Francisco 50 francs l’hectolitre, sont pourtant généreux et d’un goût agréable, analogue à celui de nos crus des Côtes du Rhône. Mais les vins rouges, assez alcooliques, sont épais, rudes et franchement mauvais. Je pense qu’ils gagneraient beaucoup si l’on voulait les soigner et les, attendre. Mais les Américains ne veulent absolument pas attendre. Ils prétendent forcer les vins à vieillir en six mois et s’étonnent que les vins s’y refusent. Comme ils ont entendu dire que les voyages par mer hâtaient ce vieillissement, ils embarquent leurs fûts sur des voiliers, leur font faire quelque peu le tour du monde et les réimportent ensuite dans leur pays, quitte à payer pour eux, au retour, le sévère droit d’entrée perçu par les douanes américaines. Le résultat est d’ailleurs peu encourageant et, comme je me suis permis de le faire observer aux négocians qui pratiquent cette méthode, il serait beaucoup plus simple et moins dispendieux de bâtir de vastes celliers, où les récoltes emmagasinées attendraient la vente pendant les années nécessaires à la bonification. Il m’a été répondu que ce système, vu l’abondance des récoltes, exigerait une trop grosse mise de fonds et ne paierait pas l’intérêt du capital engagé.

Il est très vrai que le marché du vin est fort réduit en Amérique, où l’on ne boit guère à table que de l’eau glacée. A San Francisco même et dans toute la région proprement viticole, l’eau demeure la boisson usuelle et, parmi les consommateurs des restaurans aussi bien que dans les familles aisées, la bouteille de vin est exceptionnelle. Les États-Unis figurent parmi nos meilleurs cliens pour le vin de Champagne. Ils en importent 4 millions et demi de bouteilles ; c’est un chiffre en argent, — quelque 30 millions de francs ; — en quantité ce n’est guère, — environ 36 000 hectolitres. — Il n’est introduit en tout du dehors que 283 000 hectolitres. La France, quoique la grande fournisseuse de vins fins du monde entier, n’exporte en réalité que 2 millions d’hectolitres de sa production.

Nos viticulteurs ne doivent pas ignorer cette vérité désolante : le vin est, de toutes les boissons, la moins répandue sur le globe. Le plus grand nombre des humains, — 750 millions de Chinois, d’Indiens et de Japonais, — boit du thé. Un nombre moindre, mais encore très important, le monde musulman, la Turquie, l’Amérique du Nord, boit de l’eau claire. En Europe, la bière est