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IV

Après avoir exploité d’abord les terres les plus obéissantes ou les plus accessibles, qui payaient docilement leur tribut au soc du laboureur, le fermier américain, désireux d’étendre son domaine, n’a pas tardé à aborder les terres rebelles et insociables en apparence qui se refusaient à lui. Telle est par exemple une bande de terrain couvrant 120 millions d’hectares, — presque le triple de la surface cultivée de la France, — du golfe du Mexique au Canada, depuis la base des Montagnes Rocheuses, à l’Ouest, jusqu’à la limite Est, où le total des pluies annuelles cesse de fournir en moyenne une hauteur de 50 centimètres d’eau. Telles sont aussi les 40 millions d’hectares, de terres marécageuses et inondées, répandues un peu partout, mais principalement dans la vallée du Mississipi, qui ne peuvent être amendées que par le drainage. Celles-ci ont trop d’humidité, celles-là n’en ont pas assez.

Le sol de ces dernières est profond et extrêmement fertile, le climat y est sain et agréable, n’était le manque d’eau. Il y a vingt ans, des hommes entreprenans se flattèrent d’améliorer le climat par la culture. L’Ouest du Kansas, le Nebraska et l’Est du Colorado virent surgir des fermes en abondance. Mais, à une période pluvieuse succédèrent plusieurs années de sécheresse. Des millions de récoltes périrent sur pied ; les familles d’immigrans luttèrent avec énergie au milieu d’une détresse affreuse et, après des désastres répétés, se virent obligées de fuir loin de ces foyers où étaient enfouies les épargnes d’une partie de leur vie. Les champs se dépeuplèrent presque entièrement, et les villes mêmes de la région furent désertées.

Cet état de choses se prolongea plusieurs années. Une leçon aussi sévère écartait les nouveaux venus de ce « pays de la mort. » Puis, sous des influences nouvelles, on reprit confiance dans la capacité de production de ces plaines inhospitalières. Un autre courant, une autre « vague d’immigration, » — wave of settlement, — vint battre les campagnes incultes. D’autres laboureurs achetèrent les fermes vides, et les villes abandonnées se rebâtirent et se remplirent à nouveau.

Seulement, la deuxième tentative n’était pas la répétition de la première ; de nouvelles méthodes avaient été imaginées,