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République, à des crises ministérielles qui ont été très laborieuses. M. Millerand a assuré qu’aujourd’hui l’opération ne prendrait pas plus de vingt-quatre heures : qu’en sait-il ? En parlant ainsi, il s’est découvert lui-même, et M. Clemenceau, qui est un habile escrimeur de la parole, n’a pas manqué d’en profiter et de lui lancer un coup droit. Il a terminé son discours en disant, au milieu des rires de la Chambre : « Messieurs, si vous avez des inquiétudes, j’ai une bonne nouvelle à vous annoncer : le prochain gouvernement est prêt. » Le trait a porté : cependant tout le monde n’a pas jugé que, dans une situation aussi sérieuse, cette plaisanterie, nous allions dire cette gaminerie, fût de très bon goût.

Rien n’est fini, en effet, pas plus dans le Midi qu’à Paris. Les problèmes posées restent sans solution, ce qui n’est pas étonnant puisque quelques-uns, dans les termes où on les présente, sont insolubles. La Chambre a voté contre la fraude une loi qui est maintenant devant le Sénat, et qui donne à l’administrai ion des contributions indirectes des armes que, hier encore, elle n’aurait pas osé demander. M. le ministre des Finances en a conclu que tout était question d’opportunité, et que peut-être, un jour, sous le coup d’une nécessité impérieuse, la Chambre voterait les mesures d’inquisition qui donnent un caractère si vexatoire à son projet d’impôt sur le revenu. Malgré tout, nous n’oserions pas dire que les précautions prises contre la fraude seront efficaces : mais que faire de plus ? Le Midi se calmera-t-il ? S’apaisera-t-il ? Alors le moment sera venu pour la Chambre, si les événemens de ces derniers jours l’ont guérie de son empirisme, de comprendre que tout est à refaire en France, gouvernement, administration, armée, esprit public. Mais il faudrait d’abord que la Chambre fit son propre examen de conscience et se réformât elle-même, et nous craignons fort de ne pas voir ce miracle.


Les événemens intérieurs nous laissent peu de place pour parler des événemens du dehors, qui n’ont pourtant pas moins d’importance, si même ils n’en ont pas davantage. Nous y reviendrons plus tard ; mais nous dirons, en attendant, au moins quelques mots des arrangemens que nous venons de faire avec le Japon et avec l’Espagne.

À ces deux points extrêmes du monde, notre politique est la même : nous travaillons à concilier nos intérêts avec ceux des autres, et à trouver dans cette conciliation des garanties de plus pour le maintien de la paix. Non pas qu’il y ait en ce moment un danger de guerre en vue ; mais c’est précisément lorsqu’il n’y en a pas qu’il faut s’appliquer à