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étroits aux intérêts communs, » tout cela, plus ou moins, avait été déjà dit par M. Buyat[1], qui lui-même le répétait d’après Gambetta, précité ; d’après Waldeck-Rousseau[2] ; d’après d’autres encore : jadis, M. Bardoux : « C’est un scrutin d’opinion publique ; » et récemment, M. Ruau[3], ou M. Klotz : « C’est le scrutin par excellence des idées[4]. »

Mais, fût-il « un scrutin d’opinion publique, » fût-il « le scrutin des idées, » fût-il, au lieu du miroir brisé, le miroir intact où se réfléchit l’image totale de la France, et projetât-il dans le Parlement la volonté du pays, offrît-il tous ces avantages, et le scrutin d’arrondissement, en regard, demeurât-il atteint et convaincu de tous les vices, défauts ou seulement inconvéniens dont on le charge, le scrutin de liste, pourtant, — je veux dire le scrutin de liste pur et simple, — ne serait point indemne d’un inconvénient, d’un défaut ou d’un vice qu’a le scrutin uninominal, non parce qu’il est uninominal, mais parce qu’il est majoritaire. Ce défaut, loin de s’en guérir, et le mal qui en découle, loin de nous en guérir, il les aggraverait, il les quintuplerait, il les décuplerait. Il assurerait sans recours et procurerait sans merci l’élimination, l’éviction, l’exclusion, l’exécution des minorités.

Sous ce rapport, s’il devait jouer son jeu brutalement et sans

  1. Rapport fait (au cours de la précédente législature), au nom de la Commission du suffrage universel, sur la proposition de loi de M. L.-L. Klotz et plusieurs de ses collègues ayant pour objet le rétablissement du scrutin de liste, repris et renvoyé à la Commission du suffrage universel. Annexe au procès-verbal de la séance du 9 juillet 1906. Chambre des députés, neuvième législature. Session de 1906, n° 161.
  2. « C’est la plus haute raison d’être du scrutin de liste : par cela même qu’il forme un collège électoral, où se développe un mouvement d’opinion considérable, par cela même qu’on est amené de plus en plus à lui soumettre des questions précises, par cela même que le collège électoral exerce une grande part de la souveraineté, il procure au gouvernement une direction plus nette, plus ferme et plus claire. Les assemblées ne sont plus seulement des Chambres de hautes études… c’est la volonté du pays qui se projette dans le Parlement. Le rôle des Chambres est plus régulier et plus sûr : il consiste à mettre en pratique, en action, les volontés clairement manifestées par le suffrage universel. » — Voyez la proposition de loi de M. Paul Bignon, n° 935, p. 9.
  3. Rapport fait au nom de la Commission du suffrage universel chargée d’examiner les propositions de loi de MM. Jules Dansette, Georges Berry et L.-L. Klotz, par M. Ruau, député. Annexe au procès-verbal de la 2e séance du 5 mars 1902. Chambre des députés, septième législature, session de 1902, n° 3010.
  4. Proposition de loi de M. L.-L. Klotz ayant pour objet le rétablissement du scrutin de liste avec renouvellement partiel de la Chambre. Annexe au procès-verbal de la séance du 18 novembre 1901. Chambre des députés, septième législature, session extraordinaire de 1901, n° 2761.