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D’autre part, contre le principe même de la réduction, quelques-uns, surtout vers l’extrême gauche, font valoir que les assemblées démocratiques ont toujours été des assemblées nombreuses, et soutiennent que, moins nombreuses, les assemblées peuvent être plus aisément domestiquées. Argument qu’on ne saurait s’étonner de trouver dans la bouche d’orateurs qui, bien qu’ils s’en défendent, ne voient la démocratie qu’à travers la démagogie, et qui, étant des entraîneurs de foules, ont besoin, pour entraîner les assemblées, pour exercer sur elles la domination du verbe, que ces assemblées soient foule ; argument qui vaut ce qu’il vaut, mais qui se brise à cette constatation de fait, acquise par une expérience séculaire, qu’une assemblée trop nombreuse accuse tous les défauts du parlementarisme, paralyse toutes ses vertus, n’est que chaos et gâchis. Que la première coupe donc soit plus ou moins sombre, il faut tailler ; il faut éclaircir « la forêt obscure. » Mais qu’on réduise de 147, de 103, ou modestement de 41, ou de tout autre chiffre le nombre actuel des députés, dans tous les cas il faut le réduire ; et, pour le réduire, il faut, abandonnant le scrutin d’arrondissement, rétablir le scrutin de liste.


III

Or, la nécessité de rétablir le scrutin de liste emporte à son tour la nécessité d’établir la représentation proportionnelle. En effet, se contenter de changer le scrutin d’arrondissement contre le scrutin de liste pur et simple, ce ne serait que changer, comme disait Guichardin, le mal d’estomac contre le mal de tête. Je me suis jadis amusé à mettre en parallèle les avantages et les inconvéniens de l’un et de l’autre, attestés par de fréquens et intermittens recours à l’un et à l’autre :


L’empressement avec lequel on a quitté le scrutin d’arrondissement pour adopter le scrutin de liste serait incomparable et décisif, écrivais-je[1], sans l’empressement avec lequel on a quitté le scrutin de liste pour

  1. La Crise de l’État moderne. — L’Organisation du suffrage universel, p. 57-60.