n’en fut pas moins vive ni l’éblouissement moins éclatant, lorsque nos pas nous ayant amenés aux portes d’un palais gardé par un grand nombre d’hommes d’armes, et notre bâton de pèlerin y ayant frappé mélancoliquement et sans grand espoir, nous y avons été reçus par les plus gracieuses figures et au milieu de la fête la plus enchanteresse que le monde ait imaginée.
Un pacha éblouissant de blancheur répandu sur un divan couleur de tournesol semblait, dès l’entrée, nous accueillir et nous donner audience. Après avoir salué ce vénérable et astucieux mamamouchi, nous étions entourés de jeux divertissans et rapides. Des amoureux beaux comme le jour couraient à qui arriverait premier à une fontaine desservie par de petits Amours. Une danseuse fameuse du nom de Guimard, déguisée en bergère, esquissait un pas nouveau, devant un décor de ruines. De jeunes personnes couchées entre les nuages cramoisis de leurs rideaux dressaient des chiens minuscules, au moyen de gâteaux en forme de couronnes nommés gimblettes, aux voltiges les plus imprévues. Dans les coins des paravens, les Turcs de notre pacha prenaient diverses récréations orientales. Il y avait beaucoup de choses à manger ou à boire dressées sur les buffets ou prêtes sur les nappes. Le palais s’ouvrait aussi sur un parc, où les marchandes de frivolités, les montreurs de marionnettes et les grandes eaux faisaient la joie de groupes multicolores. Et, çà et là, des macaques fort convenablement nippés et doués d’une excellente éducation s’appliquaient à des recherches qui sont, dans nos pays d’Occident, plutôt l’apanage de membres des Académies ; — ce qui prouvait bien que nous étions en plein rêve et fantasmagorie. Le nom de ce palais, nous le sûmes bientôt, était « galerie Georges Petit, » et ceux des ordonnateurs de cette fête Chardin et Fragonard.
Car voici, enfin, de la peinture ! Cela nous était bien dû après tout ce qu’on nous a donné de falsifié ou d’hétéroclite sous ce nom, depuis plusieurs mois que les expositions, les Salons, les collections, les ventes, les rétrospectives se succèdent ou s’accumulent avec une profusion et une obstination quasi diaboliques ! Après tous les essais ou les demi-réussites, après les petites ébauches et les minuscules trouvailles qu’encadraient d’énormes prétentions ; au lieu de ces effets obtenus dans la gêne et la privation, de ces jours de souffrance, de ces fruits dus à la taille