Jaloux de passer aussitôt à l’action, les congressistes chargèrent Schulte, Schorlemer-Alst, et le vicaire Gronheid, de Munster, de former un comité permanent qui ferait jaillir du sol allemand de nombreuses associations, dirigerait leurs efforts économiques, guiderait les Feuilles chrétiennes sociales d’Aix-la-Chapelle, et s’occuperait d’organiser le crédit pour les pauvres gens. On se mit vite en besogne. C’est sans doute à l’instigation de ce triumvirat que les Feuilles chrétiennes sociales, en février 1870, publièrent un long programme. Le christianisme social visait évidemment, dès cet instant, à devenir une force politique ; les membres des associations qui se réclamaient de lui durent n’avoir aucun contact avec les groupemens socialistes. Il fut établi que ces associations seraient rigoureusement confessionnelles, mais qu’elles n’auraient directement à leur tête ni des ecclésiastiques ni des laïques riches ; on voulait en faire, ce semble, des écoles d’autonomie ouvrière, soucieuses avant tout, disait le programme, de ne point paraître « flotter à la remorque du capital, » et se refusant, dès lors, à condamner systématiquement les grèves.
Elles s’abouchèrent en mars, au nombre de quatorze, pour tenir un congrès à Elberfeld : ce congrès fut une rapide revue de tous les efforts jusque-là dépensés. Schorlemer y assistait, et l’on parla beaucoup, au congrès, de ses groupemens de paysans. Kolping mort semblait représenté par l’instituteur Breuer, qui vingt-deux ans auparavant, dans cette même ville d’Elberfeld, avait réuni les premiers compagnons. Lieber était là ; il fut élu président d’un comité de cinq personnes destiné à fonder des associations ouvrières. Cette Pentecôte du christianisme social se prolongea trois jours : il fut question de banques populaires, de sociétés de crédit, de caisses d’épargne ; on interpella les casinos chrétiens, où les bourgeois avaient la majorité, et qui s’occupaient de besogne électorale, et on leur signifia qu’ils devaient aider à toutes les œuvres sociales. L’élan était irrésistible : chaque district rhénan, dans l’été de 1870, rêvait d’avoir son congrès social. Il y en eut un à Essen à la fin de juin, un à Aix-la-Chapelle au début de juillet. À Cologne, les présidens des cercles de compagnons de l’Allemagne tout entière se rassemblaient, trois jours durant, pour élargir leur champ d’activité ; ils étudiaient la création de cercles d’apprentis et de cercles de maîtres, le concours à donner aux associations ouvrières,