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de ceux qui considèrent un vaste domaine comme un placement avantageux de leur capital ou comme un moyen d’échapper aux chaleurs de l’été. Nous devons partager les souffrances comme les joies du peuple ; c’est dans ce sentiment que je trouve le véritable lien entre la grande, la moyenne et la petite propriété, et l’unité entre elles ne se fera que le jour où tous seront persuadés qu’ils sont à un certain point de vue sur le même rang, c’est-à-dire que tous sont devant Dieu des serviteurs inutiles : voilà la véritable égalité. Ce n’est que dans ce sentiment que peut se constituer la véritable hiérarchie sociale. »

En mai 1862, il offrit à vingt paysans de Burgsteinfurt de se grouper entre eux, pour demeurer de bons chrétiens et pour s’assurer réciproquement les moyens de garder leur lot de terre. Ainsi firent-ils ; à la fin de l’année, ils étaient déjà deux cent quinze. Les associations de paysans (Bauernvereine) se développèrent dans tous les districts de Westphalie ; elles furent multipliées en Bavière ; elles devinrent, très vite, une force économique et politique. « Individuellement vous n’êtes rien, disait Schorlemer à ses adhérons ; mais vous êtes le nombre et la force, il faut que les habitans des campagnes s’organisent, comme s’organisent les ouvriers des villes, il faut qu’ils constituent des associations du sein desquelles sortiront des hommes capables de défendre leurs intérêts. » Il n’est pas de province d’Allemagne qui n’ait aujourd’hui son association de paysans, pourvue d’un journal, d’un laboratoire technique, d’une institution de crédit, et susceptible, dès lors, d’offrir à bon compte les renseignemens, les engrais, les primes d’assurance, les avances d’argent. L’initiative de Schorlemer Alst est à l’origine de cet immense mouvement ; elle enracina dans la terre westphalienne, en leur garantissant leur indépendance économique, les fortes populations auxquelles les prêtres et les instituteurs formés par Overberg avaient insufflé une vie religieuse toute nouvelle ; et c’est grâce à Schorlemer, grâce à la classe rurale autonome dont, il préservait la dignité et dont il achevait l’éducation, que cette terre de libre culture, aux mauvaises heures du Culturkampf, devait être, par excellence, sous la direction de ses évêques Brinkmann et Martin, la terre de la libre foi.

Compagnons associés, paysans associés, apparaissaient à beaucoup de catholiques comme des matériaux préparatoires pour la reconstruction d’une société allemande dans laquelle