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notre Dieu a sa caisse, on irait voir le régisseur ! Je vais te le dire, cher lecteur. L’or de notre Dieu, il est dans ta poche ; ses régisseurs, ce sont tous ceux à qui il a confié ses biens terrestres. » Ainsi parlait Kolping, et les régisseurs ne résistaient pas ; à Cologne, en 1853, ils donnaient de quoi acheter un bel immeuble ; et cette maison, deux ans plus tard, était enrichie par le roi de Prusse de tous les privilèges légaux auxquels une bonne œuvre pouvait prétendre.

Les associations de compagnons étaient, en 1858, assez nombreuses pour que leurs présidens, appelés à Cologne par le congrès catholique, tinssent une réunion spéciale d’où sortit une organisation nouvelle : elles devinrent, désormais, des institutions diocésaines, fédérées entre elles sous la direction d’un président général, Kolping. On évitait toute centralisation impérieuse ; d’un bout à l’autre de l’Allemagne, elles étaient inspirées du même esprit ; mais on tenait compte du caractère local pour régler tous les détails de leur fonctionnement. Kolping détestait qu’« on imposât à la grande vie populaire une morte et froide uniformité, qui étouffe toute vraie poésie. » Il avait le respect de la spontanéité plébéienne : unificateur du compagnonnage allemand, il n’eût point voulu attenter à la richesse et à la variété des usages. Les instructions qu’en 1863 il adressait aux divers présidens subsistent comme un modèle d’esprit de conduite, de finesse avisée, de savoureux bon sens. Il avait gardé, de son séjour dans l’échoppe, des expressions indigènes : « Les compagnons, disait-il, sont les mieux à même de raconter où le soulier les presse ; » et il engageait les prêtres à butiner, dans leurs causeries avec ces jeunes gens, une riche expérience sociale. Il remerciait Dieu, lui, de n’avoir qu’à feuilleter sa propre mémoire pour y trouver les élémens d’un petit livret de bons conseils, très pratiques, très techniques, destinés aux Gesellen en voyage ; et ce qui faisait le prix, aussi, des almanachs et des journaux qu’il publiait à leur intention, c’est qu’on y retrouvait, sous la signature du prêtre, les impressions, les souvenirs, nous dirions presque le tempérament, de l’ancien compagnon.

Chez Kolping littérateur populaire, il y a moins de talent, sans nul doute, que chez Alban Stolz, son émule badois ; mais Kolping est plus près de l’âme du peuple que ne l’est Stolz. Stolz a la volonté d’être pittoresque ; Kolping est pittoresque sans le Bavoir. Aurait-il réussi, comme le pensait Ketteler, dans la