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qui les exclut de la société humaine. » Et une autre fois : « Je connais notre peuple à fond. Il n’est pas si mauvais qu’on le dit. Qu’on l’instruise, qu’on s’approche de lui, qu’on lui témoigne de l’amour, au lieu de garder à son égard un isolement distingué, au lieu de se réputer d’un autre bois que lui, au lieu de croire avoir les mains trop tendres et trop fines pour se dévouer au service du peuple. » Adolphe Kolping prêchant à Cologne, ce n’était pas l’Eglise allant au peuple, c’était l’Eglise sortie du peuple et restée peuple, parlant avec des susceptibilités plébéiennes un langage plébéien, et toute prête à s’invectiver elle-même si elle négligeait ses devoirs envers les humbles. « Vous en particulier, messieurs les ecclésiastiques, continuait Kolping, vous ne remplissez pas votre fonction, vous manquez à votre charge pastorale, pour laquelle vous êtes consacrés, pour laquelle vous êtes envoyés, si vous oubliez le peuple ! » Mais cette Eglise, mêlée au peuple et comme unifiée avec lui, recherchait, avant tout autre concours, celui même du peuple. « C’est une bonne chose, écrivait encore Kolping, que les ecclésiastiques s’occupent partout de fonder des associations de compagnons ; mais nos meilleurs missionnaires, ce sont les compagnons eux-mêmes. S’ils ont un juste sens de ce qu’est l’association, s’ils en sentent douloureusement l’absence dans les autres villes, s’ils se réunissent, alors, pour une démarche chez le curé, s’ils le supplient de s’occuper d’eux pour l’amour de Dieu, alors le succès est assuré. »

Il fallait que partout les compagnons fussent groupés. S’il eût écouté Siegwart Muller, le tribun catholique suisse, Kolping aurait créé un ordre religieux pour s’occuper des compagnons, ou bien il les aurait confiés à quelque congrégation existante ; il trouvait plus simple, plus normal, que la jeunesse prolétaire, en toute déférence, montât à l’assaut des presbytères pour sommer le clergé paroissial d’imiter les exemples d’Elberfeld et de Cologne.

Quelques mois suffirent pour que le sol rhénan se peuplât d’associations : en mai 1850, elles se fédérèrent en une « ligue rhénane de compagnons. » L’exemple du Rhin devenait contagieux ; en novembre 1851, le sud de l’Allemagne était conquis : Fribourg, Carlsruhe, Breslau, obéissaient à l’appel de Cologne ; on proclamait l’existence, à travers toute l’Allemagne, d’une association catholique de Gesellen. Kolping, en 1852, portait aux