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l’Eglise : voilà les deux abîmes entre lesquels il faut trouver une route. Chercher la solution moyenne, la solution vitale : voilà, ce me semble, notre tâche d’aujourd’hui. »

La solution fut bientôt trouvée : ce fut la tenue annuelle de vastes congrès groupant des représentans de toutes les associations catholiques allemandes et mettant à l’étude, avec une compétence strictement délimitée, certaines questions nettement fixées. Un jour où le cabinet de Berlin demandait à Geissel, archevêque de Cologne, d’accepter à l’avance la responsabilité de tout ce que diraient les congressistes et ne voulait autoriser leur réunion qu’à cette condition expresse, Geissel répondit par un refus ; il n’admettait pas que les évêques fussent rendus responsables de tout ce que pourraient tenter ou proposer, dans ces assemblées largement ouvertes, des orateurs de bonne volonté. Ainsi se dessina, dès le début, la physionomie très spéciale des congrès ; les dignitaires de l’Eglise prirent l’habitude d’intervenir fidèlement à la séance d’ouverture, de la bénir, de sceller par quelques mots de bienvenue le lien des congressistes avec l’Eglise enseignante, et puis de s’effacer tout de suite, en laissant aux orateurs, quatre jours durant, une complète liberté d’initiative, comme si la hiérarchie eût craint d’intimider et de paralyser leur esprit d’entreprise en demeurant trop proche d’eux. Ayant courbé leurs fronts sous sa main bénissante, l’évêque ne voyait plus en eux que des citoyens chrétiens, discutant librement sur les moyens les meilleurs de servir leur foi.

Les assemblées annuelles des catholiques allemands n’ont jamais cessé, depuis cinquante ans, de se dérouler comme des actes de vie civique, et non point seulement comme des manifestations religieuses[1] ; une opinion publique catholique s’y élabora ; une expérience laïque s’y développa, qui, dans chaque diocèse, ensuite, seconda les désirs de l’épiscopat. Jamais des paroles dites à ces congrès ne provoquèrent de difficultés graves entre les puissans de l’Eglise et les représentans improvisés du peuple chrétien ; toujours, entre les uns et les autres, la confiance subsista, les congressistes s’abstenant soigneusement de toucher à des questions de foi, de discipline et

  1. On ne saurait mieux s’en rendre compte qu’en observant, dans une récente brochure de M. J. Cauvière : Deux congrès (Paris Lethielleux, 1907) la physionomie, finement saisie, nettement dessinée, de l’une des dernières assemblées des catholiques allemands.