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catholicisme succédèrent les heures essoufflées du Culturkampf, le clergé d’Allemagne, du moins, avait, depuis 1850, assez activement profité de ses éphémères libertés, pour qu’aux souffrances de la persécution ne s’ajoutât point le remords du temps perdu. Son esprit de dévouement aux masses ouvrières et rurales était récompensé. L’Eglise, guettée par le Culturkampf, avait déjà des racines populaires contre lesquelles le chancelier de fer devait être impuissant à prévaloir. L’Autriche, puis la France, avaient été en retard sur Bismarck ; le clergé, lui, était en avance. C’est après avoir assisté à cette besogne d’action sociale, à cette lente conquête des foules allemandes, qu’on pourra comprendre pourquoi, dans l’histoire du chancelier, après les noms de Sadowa et de Sedan, s’inscrivit celui de Canossa


I

Comment l’église devait-elle se conduire à l’endroit des laïques, et quel rôle devait-elle leur consentir dans sa propre vie ? La question, au lendemain de 1848, passionnait beaucoup d’esprits en Allemagne. D’aucuns, en tête desquels le théologien Hirscher, auraient volontiers introduit dans l’organisme ecclésiastique, sous la forme de synodes, un certain contrepoids démocratique à la vieille hiérarchie. Si quelqu’un était hostile, et par sa doctrine, et par son tempérament, à ce qu’on appelait la « démocratisation de l’Eglise, » c’était assurément le juriste Jarcke, protestant converti, et familier de Metternich ; mais il observait cependant, que « du jour où les laïques réputeraient les affaires de l’Eglise comme étrangères au cercle de leur activité, il adviendrait, alors, ce qu’on voyait en Autriche : la force et la vie de l’Eglise seraient brisées. » Jarcke, à la veille de Pâques de 1849, s’attardait à ces pensées avec d’anxieux scrupules : comment faire pour maintenir la hiérarchie à l’abri de toute usurpation démocratique, et pour éviter d’autre part que le peuple des fidèles fût réduit à n’être plus qu’un troupeau de pratiquais, enclins à se désintéresser du sort de l’Eglise, nonchalans sous un masque de docilité, inertes sous les dehors d’une passive soumission ? « D’une part, reprenait Jarcke, de fausses aspirations, — et des velléités de démocratiser la société religieuse ; d’autre part, un esprit d’étroitesse, de mort spirituelle ; une sorte de racornissement, — l’étouffement de toute vie dans