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Plus effacé, plus impersonnel encore, le rôle joué, par l’amour dans les poèmes de Giosuè Carducci. L’Eternel féminin, du moins à en juger par ses vers, ne semblerait pas avoir tenu dans sa vie une grande place : « Les femmes honnêtes, mêlées à mon existence, a-t-il écrit, m’ont toujours porté malheur. Quand elles ne savent plus quelle douleur me causer ou quel tour me jouer, elles meurent. » La femme n’est guère chez Carducci qu’une « machine » poétique. Elle porte des noms empruntés à l’antiquité : Lydie ou Lalagé, et incarne des sentimens conventionnels. Carducci n’est jamais érotique à la manière d’Anacréon ou de Catulle. Dans ses heures épicuriennes, il ne va même pas jusqu’à tresser en l’honneur de la femme ces couronnes de strophes galantes où se complut son maître Horace. Tout entier à des soins plus nobles, il a négligé, — c’est lui qui l’avoue, — « les vierges dansant au soleil de mai et, sous les chevelures d’or les éclairs des blanches épaules. » Un rayon de poésie féminine, un sourire de grâce tendre manque à la majesté romaine de ces vers. On trouve dans un essai critique de Carducci une page où il dénonce l’abâtardissement qu’entraînerait toujours, à l’en croire, l’introduction de l’élément féminin dans le domaine poétique. « Prédominance du sentiment diffus sur l’affection concentrée, de l’excitabilité Imaginative et pittoresque sur l’imagination plastique, » voilà où tend fatalement l’idéalisation amoureuse de la femme. Et voilà pourquoi Carducci a dédaigné de chanter l’amour… ou presque.

Toute règle, en effet, souffre des exceptions. Certaine pièce