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LE POÈTE GIOSUÈ CARDUCCI

Dans un temps où la littérature devient de plus en plus internationale, où les auteurs du monde entier sont traduits dans toutes les langues, Giosuè Carducci offre l’exemple exceptionnel d’un grand écrivain dont l’œuvre s’est fort peu répandue à l’étranger. Son nom, à vrai dire, était depuis longtemps célèbre[1]. Tout le monde savait que Giosuè Carducci enseignait à Bologne la littérature italienne. On connaissait son Hymne à Satan ; on n’ignorait pas non plus que ce poète, naguère républicain farouche, s’était converti à la monarchie par admiration, par vénération pour la reine douairière d’Italie, Marguerite de Savoie. Lorsque, au mois de décembre 1906, le prix Nobel pour la poésie fut attribué, après plusieurs années d’hésitation, à Giosuè Carducci, journaux et revues lui consacrèrent des études un peu plus substantielles. La mort du poète, enfin, survenue le 16 février dernier, donna lieu hors d’Italie à toute une série nouvelle d’articles nécrologiques, mais cet événement provoqua en Europe des regrets beaucoup moins sentis et beaucoup moins éloquens que la mort d’Henrik Ibsen, par exemple. L’Italie fit à son enfant des obsèques dignes de son génie, mais les autres nations, insuffisamment renseignées, restèrent plutôt indifférentes au deuil pompeux de nos voisins d’outre-monts.

Hâtons-nous de dire qu’il n’y eut, dans cette indifférence de l’étranger, aucune ingratitude. L’œuvre de Carducci ne pouvait raisonnablement prétendre à la grande célébrité internationale.

  1. Voyez sur Giosuè Carducci l’étude de Louis Etienne dans la Revue du 1er juin 1874.