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tion pour les intérêts de notre marine ? Non, c’est par préoccupation pour les intérêts des inscrits. Ces intérêts sont respectables, sans douté ; mais à la condition qu’on ne leur en sacrifie pas d’autres qui ne le sont pas moins.

Malheureusement, nos ministres ne sont résolus qu’en paroles. M. Clemenceau à Paris et M. Briand à Saint-Étienne ont prononcé ces jours derniers des discours qui contiennent des parties excellentes. Sunt verba et voces : ce sont des mots qui battent l’air, et auxquels ne correspondent pas des actes. L’opinion, cependant, encourage le gouvernement, prête à le soutenir dans les voies de la défense sociale, s’il s’y engage. Le jury de la Seine a condamné à deux ans de prison, — nous négligeons l’amende, — MM. Bousquet et Lévy, grands pontifes de la Confédération générale du Travail et prédicateurs imprudens de la propagande par le fait. Le fait est significatif. Le jury est d’ordinaire très indulgent pour les débits qui se rattachent, même artificiellement, à la politique : on pouvait craindre que celui de la Seine n’acquittât MM. Bousquet et Lévy. Loin de là, il s’est montré particulièrement sévère à leur égard et, après les avoir déclarés coupables, il leur a refusé les circonstances atténuantes. Le ministère verra-t-il un encouragement dans ce verdict ? Comment le savoir avec un président du Conseil d’humeur aussi capricieuse et aussi mobile que M. Clemenceau ? Il va recouvrer plus de liberté. Nous sommes tout près des vacances parlementaires. Les élections aux Conseils généraux ayant été fixées au 21 juillet, les candidats, qui sont pour la plupart députés ou sénateurs, éprouvent déjà une grande hâte de se rendre dans leurs cantons et d’y mener leur campagne : on peut donc considérer la session ordinaire comme à la veille de se clore. Si on demande au ministère ce qu’il y a fait, il pourra dire avec Sieyès : « J’ai vécu. » Les questions dangereuses pour lui ont été remises à plus tard, soit à la Chambre qui n’a pas encore commencé la discussion de l’impôt sur le revenu, soit au Sénat qui n’a pas commencé celle du rachat de l’Ouest. Le gouvernement n’a rien fait pendant la session parlementaire où sa faiblesse le mettait presque quotidiennement en danger de chute : que fera-t-il de ses vacances, où il aura quelques mois de tranquillité…, — si toutefois le Midi le veut bien !


Francis Charmes.
Le Directeur-Gérant,
Francis Charmes.