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en est, sinon le seul, au moins le premier juge. Quoi qu’il en soit, la grève de l’impôt ne deviendrait à craindre que si elle se prolongeait, et nous espérons que l’effervescence du Midi ne tardera pas à se calmer. Le gouvernement et le Parlement feront pour cela tout ce qu’ils pourront : il ne faut pas leur demander plus. Le Midi a bien le sentiment que les remèdes à sa maladie sont difficiles à trouver : la preuve en est dans l’impuissance où il est de les indiquer lui-même. Nous avons écouté ses plaintes ; elles sont véhémentes ; elles sont légitimes ; il s’est montré fort habile à les mettre en valeur. Mais quand on lui a demandé ce qu’il fallait faire pour lui donner satisfaction, son embarras a été extrême, et finalement il n’a rien répondu. Il en est toujours revenu à l’Évangile selon M. Marcelin Albert : — Nous voulons vendre notre vin, voilà notre affaire ; débrouillez-vous pour nous le faire vendre, voilà la vôtre. — Poser ainsi le problème, n’est-ce pas reconnaître qu’il est insoluble ?

Malheureusement pour elle, la Chambre des députés a donné aux orateurs du Midi un argument direct et personnel qui n’a peut-être qu’une médiocre valeur au point de vue de la saine logique, mais qui devait produire un effet très vif sur des masses enfiévrées : députés et sénateurs reconnaîtront tous les jours davantage la faute qu’ils ont commise en portant leur indemnité parlementaire de neuf à quinze mille francs. Cette mesure est défendable en soi, nous le voulons bien ; mais elle était singulièrement inopportune dans une année de détresse budgétaire. On en fera un grief contre le Parlement toutes les fois qu’une misère, privée ou collective, sera sentie dans le pays, ce qui arrivera assez souvent. Aux députés qui invoqueront alors le poids des charges publiques pour montrer leur impuissance à soulager toutes ces misères, ou seulement quelques-unes d’entre elles, on ne manquera pas de dire qu’ils ont bien trouvé de l’argent lorsqu’il s’est agi d’eux-mêmes, et qu’ils se le sont adjugé avec une singulière prestesse. On n’a pas manqué de leur répéter dans le Midi sur tous les tons : « Prenez garde, messieurs des quinze mille ! » On a fait remarquer qu’à la séance du 7 juin, où a commencé la discussion sur la crise viticole, vingt-cinq députés étaient présens, et qu’il n’y a d’ailleurs pas eu de solution, tandis qu’à la séance du 22 novembre dernier, où ont été votés les 15 000 francs, ils étaient 530, et l’augmentation a été votée immédiatement. Nous ne donnons pas ces chiffres comme exacts, mais ce sont ceux que, le 9 juin, tout le monde citait à Montpellier pour mettre en vue la différence de conduite de la Chambre dans un cas où il s’agissait d’elle, et dans un autre où il s’agissait