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des cygnes sauvages, écrasés à la suite du passage d’un train : aujourd’hui, le cas est extrêmement rare, ou plutôt ne se produit jamais. Pareillement, mais avec plus de lenteur, les oiseaux s’accoutument à connaître le danger des fils télégraphiques : il n’y a plus maintenant, pour en être victimes, que des oiseaux étrangers, ou encore des cygnes, oiseaux que Cornish déclare être exceptionnellement sots, et qui, d’ailleurs, ont une manière de voler leur rendant difficile de bien voir devant eux.


Avec le chapitre intitulé Le Sens de la Direction, nous entrons plus expressément sur ce terrain de la psychologie animale qui constitue le domaine propre de l’observation de Cornish ; et, ici comme presque toujours, ce que l’auteur nous apprend de l’intelligence des bêtes nous renseigne, par surcroît, sur les racines profondes de notre intelligence humaine. Qu’il y ait, chez tous les animaux et oiseaux, un « sens naturel de direction » qui leur permet de se frayer un chemin, vers un but donné, à travers des régions qu’ils ne connaissent point, c’est de quoi personne ne saurait douter, pour peu que l’on ait eu l’occasion de vivre au contact des bêtes. Je me souviens d’avoir lu, dans un délicieux recueil d’histoires de bêtes publié naguère par M. Andrew Lang[1], l’étrange aventure d’un chat qui, laissé par ses maîtres dans une petite ville des Indes où il était né, est venu les rejoindre dans un village d’Ecosse, deux ou trois mois après, sans que l’on ait jamais réussi à deviner comment il avait pu accomplir la merveille d’un semblable voyage. Cornish nous cite divers exemples de chiens, de chats, de pigeons, franchissant de grandes distances au milieu de pays qu’ils ignoraient jusque-là. Un renard, que l’on avait emmené, dans une cage, à cent lieues de son terrier natal, est revenu chez lui, et si vite que, certainement, il a dû courir presque en ligne droite. « Une troupe de trois cents canetons, couvés dans des incubateurs, avaient été gardés dans une basse-cour, avec de jeunes faisans, loin de toute pièce d’eau, jusqu’à l’âge d’à peu près cinq semaines. Un jour, par manière d’expérience, on les a installés, dans des paniers, au fond d’un camion fermé, et conduits ainsi, par une route toute en circuits, jusqu’à un grand étang, dans un parc, à un kilomètre de leur basse-cour. Entre le parc et la basse-cour se trouvent d’abord des jardins potagers, séparés par plusieurs murs, puis l’enclos d’une ferme, puis un petit bois, deux ou trois champs, et une

  1. The Animal Story Book, par Andrew Lang, 1 vol. illustré, Londres, Longmans et Green.