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cherche jamais à nous étonner, qui s’intéresse plutôt aux choses ordinaires qu’aux anomalies, et qui, bien loin de vouloir élever jusqu’à nous des êtres qui nous sont évidemment inférieurs, ne s’occupe que de nous fournir les moyens de descendre jusqu’à eux. La discrète probité qu’implique la qualité d’ « humaniste, » à chaque page nous la découvrons dans les livres de Cornish. Nulle exagération, nul vestige d’une « mise au point » un peu fantaisiste ; mais seulement une composition ingénieuse et sobre, des images choisies avec un art délicat, un bon style approprié au naturel des sujets, et, sans cesse, des scènes d’une variété imprévue et charmante, les mieux faites du monde pour nous distraire, un moment, des tristesses ou de l’ennui monotones de notre réalité habituelle.


Un ami des bêtes : voilà ce que nous apparaît Charles Cornish, dans son livre posthume comme dans tous ses écrits précédens. Lors même qu’il étudie les conditions extérieures de la vie animale, toujours ses observations lui sont inspirées par une affectueuse sympathie, par sa préoccupation du bien-être ou de la santé de ses favoris. J’aimerais à pouvoir traduire, par exemple, le chapitre qu’il a consacré à l’Influence de la température sur les animaux. Nous y voyons que, tout à fait comme nous, il n’y a pas une seule espèce animale qui ne souffre de la pluie et de l’humidité. On dit couramment qu’un jour de pluie est « un beau jour pour les canards : » mais non, les canards et tous les oiseaux d’eau meurent d’une pluie trop forte ou trop prolongée. Leurs petits, surtout, si la mère ne les abrite point sous ses ailes, périssent par dizaines sous une grosse averse. Le froid, la neige, n’empêchent point les bêtes de vivre, ni même d’engraisser : seule, l’humidité leur est toujours funeste. Et c’est chose curieuse que, cela étant, fort peu d’espèces se soient mises en mesure pour échapper aux mauvais effets de la pluie. « Sauf les écureuils et les muscardins, l’orang-outang est presque l’unique mammifère qui se construise un abri contre le mauvais temps. Et il faut toute la magnifique santé naturelle des bêtes et des oiseaux, entièrement due à leur sobriété et à leur habitude constante de travailler en plein air, pour leur permettre de résister, autant qu’ils le font, à l’injure des pluies. » Du moins se rendent-ils compte du danger de celles-ci ; et c’est ainsi qu’aux Indes les cerfs et autres habitans de la jungle, contrairement à l’habitude de leurs cousins d’Europe, ajournent l’enfantement de leurs petits jusqu’en octobre, après la saison des averses. Dans les îles anglaises, l’abondance de la vie animale est,