Page:Revue des Deux Mondes - 1907 - tome 39.djvu/940

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Jardin Zoologique de Londres, par les oiseaux, les écureuils, et les lièvres de la New Forest, par les cygnes de Chiswick et les canards des marais de Norfolk. Car ce savant « humaniste, » dès l’enfance, et jusqu’à ses derniers jours, avait fait deux parts de son temps, comme aussi de son cœur, donnant l’une aux études classiques, et l’autre à l’observation, ou plutôt à la pratique intime et familière, de la vie animale. Ses parens se rappellent que, à quatre ans, « il connaissait déjà la demeure et les façons de presque tous les habitans vivans du jardin et des prairies où il jouait avec ses frères. » Élève à l’école de Charterhouse, il employait toutes ses heures de récréation à fréquenter les oiseaux des vergers et des bois du Surrey ; et l’on peut voir aujourd’hui, dans une des salles de l’école, un charmant musée d’ornithologie qui, presque tout entier, a été constitué par le petit collégien, vers le même temps où il se préparait à obtenir le fameux « prix classique. » Et quand ensuite, au sortir d’Oxford, Cornish est devenu professeur au Collège Saint-Paul, jamais il n’a manqué à utiliser ses vacances pour reprendre contact avec ce monde des oiseaux et des bêtes qu’il adorait à l’égal de ses chers vieux poètes latins et anglais.

Il y a eu là une alliance singulière, — et certainement tout anglaise dans son excentricité, — de deux passions qu’il est bien rare de rencontrer réunies, encore que l’on comprenne aisément l’aide réciproque qu’elles peuvent s’offrir ; et c’est à cette heureuse alliance que nous devons la plupart des écrits de Cornish. Depuis son livre sur la New Forest et sa Vie au Jardin Zoologique, parus en 1894, jusqu’à ces Animaux Artisans que vient de recueillir et de publier sa veuve, presque toute son œuvre imprimée nous présente vraiment le beau spectacle d’une âme d’ « humaniste » communiant avec la nature, s’efforçant à comprendre et à partager les émotions d’âmes très simples, mais infiniment diverses, et d’une simplicité infiniment vivante, attirante, et touchante. Sous les descriptions que nous fait l’auteur des mœurs et des habitudes des animaux, l’objet principal de ses écrits est toujours de nous introduire, avec lui, dans l’intimité de leurs sentimens et de leurs pensées. Non pas qu’il prétende, ainsi que s’y sont amusés maints autres naturalistes anglais et français, exalter ou réhabiliter « l’intelligence des bêtes, » en nous citant toute sorte de traits plus ou moins surprenans, et assurément authentiques, mais qui ont toujours quelque chose d’exceptionnel : au contraire, tout son désir est de saisir l’âme des bêtes telle qu’elle est dans sa vérité, avec son mélange d’instinct et de réflexion ; et le grand charme de ses études leur vient précisément de ce que nous y sentons un homme qui ne