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inégale à son rêve. Il met en lui les souffrances, les tristesses et aussi les aspirations nobles d’un Werther, d’un Faust, d’un René. Il en fait un héros, type et symbole de l’humanité supérieure. Ce sont pures billevesées. Et celui qui sera le premier à en convenir, c’est Musset quand il aura, lui-même, été une victime de cet amour dont un Don Juan n’est que le dilettante.

Le même mouvement qui écarte Musset des idoles du romantisme le rapproche des maîtres classiques. Certes, avec lui, il faut toujours s’attendre à des contradictions et à des retours offensifs. Si, dans les Vœux stériles, il invoque la Grèce, mère des arts, et se proclame citoyen de ses siècles antiques ; dans les Pensées de Rafaël, il se défend d’être l’adepte d’aucune école et fausse également compagnie aux « classiques bien rasés » et aux « romantiques barbus : »


Racine rencontrant Shakspeare sur ma table
S’endort près de Boileau qui leur a pardonné.


Il lui arrivera, plus tard, d’invectiver Despréaux et sa « tisane à la glace, » et d’encenser Byron. A la merci de ses impressions qui sont variables et de son humeur qui est fantaisiste, il est nécessairement conduit vers une sorte d’éclectisme. Grand liseur, il en lit qui sont du Nord et qui sont du Midi ; lui aussi, son surnom est Polyphile. Toutefois ses préférences sont aisées à discerner ; elles vont sans cesse en s’accentuant et toujours dans le même sens. S’il a de tout temps lu Voltaire, et Crébillon fils, et les petits conteurs du XVIIIe siècle, on ne s’en était aperçu que trop et dès ses premiers vers. Mais lorsqu’il se composera une bibliothèque de choix, après 1834, qu’y trouverons-nous ? Avec les anciens, Sophocle, Aristophane, Horace, et avec leurs imitateurs du XVIe siècle, Rabelais, Mathurin Régnier, Montaigne, Amyot, ce seront nos classiques français du XVIIe siècle. Ceux dont, à toute occasion, il vantera le génie, dont les noms viendront d’eux-mêmes sous sa plume et s’encadreront naturellement dans ses vers : c’est La Fontaine (relisez Sylvia) et c’est Molière (relisez Une soirée perdue).

Ce qu’il admire en eux, c’est leur « bon sens, » c’est leur « naïveté, » c’est leur « vrai savoir des choses de ce monde, » c’est en un mot ce qu’il y a en eux de classique. Ici encore, préparons-nous à plus d’une incartade. Il ferait beau voir qu’on pût accuser de pédantisme un dandy ! Aussi, lui qui est si sensible aux qualités de mesure et d’harmonie dans les proportions, affectera-t-il de ne pas savoir